Architecture un lieu

Le 13 Paix, l’écrin de l’Excellence

Par Nat Lecuppre, le 23 octobre 2023.
Image
Vitrine

Après deux ans de réhabilitation, le voile est levé sur le 13, rue de la Paix dans le second arrondissement de la capitale, adresse emblématique de la célèbre maison de la haute joaillerie, Cartier.

Une myriade de talents a été mise à contribution, pour ce somptueux écrin qui voit sa superficie passer de 700 à 3 000 m2. L’adresse chargée d’histoire depuis 1899 est la mémoire de la maison de Louis Cartier et de son grand amour Jeanne Toussaint qu’il s’agissait de plonger dans le XXIe siècle sans trahir son ADN.

Les défis étaient multiples. Pour Cyrille Vigneron, CEO et président de Cartier, il fallait que les lieux n’appartiennent à aucune période mais les respectent toutes, ne privilégiant aucun style tout en les célébrant tous.

Le nouvel écrin du 13 Paix est le résultat d’une collaboration de trois agences d’architecture d’intérieur et de décoration. Les espaces des six niveaux ont été distribués à ces talentueux créateurs bâtisseurs qui collaborent avec Cartier depuis des années.

Répartition des missions

L’agence Moinard Bétaille a eu en charge le RDC, les premier et deuxième étages. Studioparisien s’est vu attribuer les espaces services du troisième étage, l’atelier haute joaillerie du quatrième et les archives situées au cinquième. Quant à l’architecte Laura Gonzalez, elle a dû imaginer la Résidence au R+5 afin de recevoir les invités de marque comme à la maison.

Les enjeux

Il s’agissait pour tous de concevoir la plus belle vitrine du savoir-faire à la française, de la créativité et du côté précurseur de la maison. Louis Cartier avait une vision avant-gardiste, il poussait ses dessinateurs à s’inspirer du monde, de l’architecture perse, des arts d’Extrême-Orient… et même de sa collection personnelle d’antiquités. Il fut le premier à utiliser du platine pour ses créations. Son style novateur perdure cent vingt ans après et le place toujours premier joaillier du monde.

L’emblématique façade est conservée. Elle est telle qu’Alfred Cartier et son fils Louis l’avaient choisie, en portor, un marbre noir veiné d’or. Les sept vitrines de la rue restent la signature des lieux.

Le concept Moinard-Bétaille

À l’intérieur, les espaces ont été totalement transformés. L’escalier central, la succession de petites pièces en lambris sombres et le plafond en dôme de verre opaque ont laissé place à un grand espace ouvert et central. Avec leur projet, les architectes Bruno Moinard et Claire Bétaille ont ouvert les lieux pour permettre aux clients de flâner librement avec poésie et découvrir les créations.

Les deux sous-sols sont devenus bureaux. Au RDC se découvrent les différents univers de Cartier. Un atrium au fond de la boutique, couronné d’un plafond de verre, laisse la lumière naturelle sublimer les espaces. Les salons historiques Jean Cocteau et Louis Cartier, aux célèbres boiseries, ont été restaurés et abritent des trésors de la maison. Dans le premier, on découvre l’épée de l’académicien Jean Cocteau et dans le deuxième, une collection de livres rares.

Un escalier d’honneur aux garde-corps à motifs végétaux mène au salon Jeanne Toussaint. Un espace intime et ouvert sur la rue de la Paix. Il est entouré de deux autres petits salons Émeraude et Rubis.

Au premier étage est proposé l’univers des fiançailles et du mariage. Tout est matières nobles, couleurs pastel et dorées, lumière apaisante, formes courbes et contre courbes… L’ambiance est feutrée, intime, élégante, parisienne, contemporaine et féminine.

On accède au deuxième étage par l’escalier d’honneur ou par un ascenseur privé pour plus de discrétion. Ce niveau est celui de la Haute Joaillerie. Les salons Art Déco, des Indes et Inspiration sont réservés aux commandes spéciales. On y trouve aussi le salon Faune et Flore. La scénographie de cet étage est pensée pour être pleine de sensualité, de luminosité et de douceur.

Bruno Moinard précise : « En invitant 12 maîtres artisans et 40 ateliers spécialisés talentueux à travailler ensemble, nous les avons poussés à dépasser leur propre imagination et à créer des rêves qui transporteront le visiteur ».

Le concept Studioparisien

Les architectes Laurene B. Tardrew et Romain Jourdan ont imaginé le troisième étage desservi par deux ascenseurs ouverts sur l’atrium dans la continuité de la boutique. Studioparisien a repris les mêmes codes (courbes, teintes douces, élégance classique…) en rajoutant une note de contemporanéité, de couleur et même d’extravagance.

L’accueil des clients a fait l’objet d’une attention particulière. À ce niveau, ils sont reçus dans un des petits salons avec vue sur la rue de la Paix. Un bar de personnalisation leur donne la possibilité de faire graver un bijou. Des écrans connectés dévoilent les savoir-faire d’excellence et les métiers d’art de la maison. Un salon privé (Santos) est délimité par un paravent en céramique, œuvre de François Mascarello. Le Quartier des Petits comporte un espace dédié aux plus jeunes avec diverses activités créatives.

Le quatrième est le royaume des ateliers de Haute Joailllerie de 18 artisans. Les lieux sont épurés, modernes et baignés de lumière naturelle provenant de l’atrium. L’atmosphère est aérienne. Dans ces lieux réservés et privilégiés, des placards vitrés exposent des objets de tradition artisanale de Cartier.

Au cinquième et dernier étage, les Archives de la maison, fragiles et de valeur, constituent le trésor le plus précieux. Les exigences de conservation des documents et de consultation étant sans concession, l’agencement, le choix des matériaux et les objets décoratifs ont demandé une grande attention. Un dôme en albâtre est installé en clin d’œil au ciel de Paris.

Les architectes de Studioparisien précisent que pour leur projet, ils ont eu soin de dessiner un concept incarnant l’intemporalité et la mémoire de la Maison tout en insufflant des gestes contemporains et de sculpter l’espace en créant des intérieurs raffinés au classicisme bousculé.

Concept de Laura Gonzalez

La Résidence au cinquième étage est un espace mansardé onirique de réception et de vie. On y trouve une salle à manger, un salon, une vaste cuisine et un jardin d’hiver.

Les lieux permettent de recevoir amis, artistes et grands clients de Cartier. On retrouve la griffe de l’architecte, un univers joyeux et poétique avec des motifs végétaux, des couleurs, beaucoup de matières et de formes mais aussi du mobilier et des tissus conçus sur-mesure. L’espace est modulable selon les moments à vivre.

Le décor est une vitrine d’exception de l’artisanat. On y découvre un paravent réalisé par Laura Gonzalez, les Ateliers Gohard et Lucie Touré. Une œuvre peinte sur un velours de soie rebrodé de papier. Le mosaïste Pierre Mesguich a fabriqué des guirlandes de branchages en verre installées aux murs ainsi qu’un sol en mosaïque dans le jardin d’hiver.

Laura Gonzalez précise que cette mise en scène poétique de l’univers Cartier en fait une alcôve pleine de surprises joyeuses qui invite à la rêverie.

On peut également profiter de deux petits patios grands ouverts sur le ciel qui ont été dessinés par Bruno Moinard.

Un positionnement éco-responsable

La réhabilitation se devait d’être exemplaire. À son ouverture, le 13, rue de la Paix visait à faire partie des bâtiments parisiens réhabilités vertueux en matière de performance environnementale, avec pour objectif le niveau Very Good du label Breeam.

Cyrille Vigneron déclare à propos de ce projet : « le bâtiment rénové ne représentait pas seulement un patrimoine nostalgique mais c’est une source de mémoire, un temple où nous contemplons le passé pour qu’il serve d’inspiration pour l’avenir ».

Le 13 Paix est un véritable bijou architectural. En plus des trois agences d’architecture, il s’est adjoint des talents de 37 artisans d’art ou Maître d’Art. Un seul mot pour cette réalisation : Chapeau bas !

Galerie d'images (17)
    Partagez cet article autour de vous
    Facebook
    Twitter / X
    LinkedIn
    Pinterest
    E-mail

    Agence Moinard - Bétaille

    41, avenue Montaigne

    75008 Paris

    Tél. : +33 (0)1 56 88 21 00

    www.moinard-betaille.com

    Studioparisien

    12, rue de Sévigné

    75004 Paris

    Tél. : +33 (0)1 40 09 50 70

    www.studio-parisien.fr

    Laura Gonzalez

    3, rue Henri de Bornier

    75116 Paris

    Tél. : +33 (0)1 42 78 05 94

    www.lauragonzalez.fr

    Retrouvez cet article dans le nda numéro 53
    Image

    le Champ des Possibles

    Commander

    À découvrir
    Image
    Architecture, l'esprit du lieu

    Quand Tokyo se met à l’heure

    Par Nat Lecuppre, le 18 février 2025
    Gwenaël Nicolas et son agence Curiosity viennent de signer la façade et l’architecture intérieure de la nouvelle tour Rolex à Tokyo. Située sur l’avenue Chu-Dori à Ginza, elle offre à ses clients un espace de vente sur quatre étages. Pour cet édifice, il fallait absolument un emplacement de prestige et concevoir un espace harmonieux alliant tradition et modernité tout en incarnant l’identité de la marque. Il devait également représenter le sens de l’hospitalité et de la sophistication qui caractérisent Tokyo et le Japon. Une architecture singulière. La façade est un clin d’œil à la lunette de Rolex. Celle-ci symbolise la marque. Son motif est fabriqué dans l’art de la ferronnerie. Il est réalisé dans divers dégradés de bas en haut, et procure un effet d’optique dynamique à l’édifice. Visite des lieux. L’espace de vente intérieur est visible depuis l’extérieur à travers une grande porte encadrée d’une pierre verte. En entrant, le client est plongé dans une ambiance sophistiquée. Les matériaux retenus sont nobles et subtils : travertin, bois Sen, verre dépoli… Un immense élément en verre survole les présentoirs circulaires et forme un espace dans la pièce. Le comptoir bénéficie des reflets des miroirs derrière les persiennes en bois. Les clients se retrouvent dans un cadre numérique à 360° qui leur fait découvrir l’univers Rolex dans une autre dimension. Ils sont invités à monter dans les étages : l’ascenseur entouré d’un escalier en colimaçon en travertin et persiennes en bois est une pièce maîtresse de l’espace. L’atmosphère est chaleureuse et accueillante. Au deuxième étage, un espace ouvert mène à une série de salons. Visible de l’extérieur, un grand bar en pierre et laque vert invite à une pause. Les espaces de vente se succèdent sur tout l’étage. On trouve une série de niches privées taillées dans de grands murs en travertin. L’architecte a joué avec la modernité et l’intemporalité. Les matériaux soulignent ce jeu. Un cadre en maillage filtre l’intimité des visiteurs. Au troisième, l’atmosphère est plus japonaise et au luxe discret. L’étage est réservé aux invités de marque avec un salon privé. L’espace d’accueil est réalisé avec des finitions en laque vert foncé et en pierre. Le concept de l’agence Curiosity souligne le caractère singulier de chaque pièce et collection. Le mur de la bibliothèque expose les œuvres d’art qui représentent les modèles emblématiques de la maison. On trouve des œuvres originales commandées à des artistes japonais. Le sous-sol est dédié aux services et expériences exceptionnels. Il valorise l’artisanat de Rolex. On découvre un laboratoire avec des techniciens qualifiés qui piquent la curiosité des visiteurs. Une galerie « Mouvement » invite ces derniers à découvrir le savoir-faire et l’expertise de la marque, diversité, sophistication, complexité et précision des montres). Curiosity a su répondre aux attentes de la maison en créant avec des artisans et des artistes japonais ce bel écrin d’exception couleur émeraude.
    Image
    Architecture, l'esprit du lieu

    Art’chipel la nouvelle oasis urbaine de Marseille

    Par Sipane Hoh, le 17 janvier 2025
    Au cœur de l’oasis naturelle située dans le 8e arrondissement de Marseille prend place un programme immobilier inédit. Baptisé Art’chipel, il s’agit d’une réalisation menée par une main de maître signée OXO Architectes. L’ensemble habilement conçu propose des solutions multiples pour un véritable bien-être. À Marseille, rue Callelongue, entre le commissariat de Sainte-Anne et les terrains de sport du SMUC (Stade Marseillais Université Club), sur une parcelle où la MGEN avait installé ses bureaux au milieu des années 1970, une multitude de formes courbes se détachent d’un écrin de verdure. Ici, c’est la nature en ville qui prend place sur une ancienne friche et constitue un remarquable cadre locatif aux nouveaux habitants. Pour mener à bien leur projet, Nexity et sa filiale Apollonia ont fait appel à OXO Architectes (Manal Rachdi), l’agence reconnue pour ses réalisations faisant cohabiter avec tact architecture et végétation. Cette fraction de ville a constitué ainsi un terrain de jeu idéal pour y installer une architecture soucieuse de son environnement. Fidèle à ses principes, Manal Rachdi a conçu un projet qui s’implante dans les cinq espaces boisés sur place. « Il y avait déjà un paysage existant, une multitude d’arbres et un enclos végétalisé. L’idée, c’était de s’insérer là où c’était possible sans jamais toucher aux arbres qui étaient en bonne santé, en se mettant sur les zones vides de la parcelle », souligne Manal Rachdi. La réalisation est donc née de ces vides déjà là, sur les petites clairières où l’architecte a mis délicatement le bâti tout en gardant la végétation existante y compris les arbres de 15 de haut. « On a même enclavé une partie, devenue zone de développement de biodiversité, qu’on a protégée », ajoute l’architecte dont l’intervention ressemble à de la chirurgie esthétique, empreinte de précision et de rigueur. Le bien-être avant tout. « Dans ce projet, on a utilisé toute la stratégie de camouflage en réfléchissant les arbres sur l’architecture elle-même. Notre volonté était qu’il y ait un écho entre l’architecture et le paysage existant, on a créé des terrasses de différents niveaux accessibles et partagées par l’ensemble des habitants », souligne le fondateur d’OXO Architectes. Outre le respect de l’écosystème, la réalisation se soucie du bien-être des habitants. En effet, plusieurs solutions innovantes attestent du développement du confort individuel et collectif. Au milieu d’une végétation qui mêle d’ancestraux chênes et cèdres, des interstices de verdure sont reliées entre elles par des cheminements piétons végétalisés. L’équilibre entre la nature et l’humain constitue le fondement de la construction d’une ville durable, c’est pourquoi Art’chipel s’inscrit parfaitement et de façon pérenne dans la silhouette urbaine du quartier. Les diverses entités se retirent derrière des terrasses courbes rythmées par des brise-soleil ajourés à double face. Une certaine grâce en phase avec la végétation omniprésente se dégage des lieux. La communion avec la nature se prolonge jusqu’aux intérieurs agrémentés d’une multitude d’atriums à ciel ouvert assurant la luminosité des logements. Mais l’architecture ne serait pas globale sans la vie des habitants. C’est pourquoi un soin particulier a été apporté aux divers espaces d’intimité avec des lieux qui favorisent la rencontre, l’échange ainsi que
    Image
    Architecture, l'esprit du lieu

    Une remise en forme avec… Paramètre

    Par Nat Lecuppre, le 20 novembre 2024
    La société Labelium est un cabinet de conseil en marketing digital. Dans le monde entier, son expertise, fondée sur l’innovation et l’analyse, permet aux entreprises de renforcer leurs activités en ligne. Mais avec l’agence d’aménagement tertiaire Paramètre, les rôles s’inversent. Soucieux de regrouper ses équipes dans un lieu unique et fédérateur, Labelium a fait appel à Paramètre, agence d’aménagement tertiaire fondée en 2017 par Constance Cœurderoy et Maxime Grouffal. L’agence Paramètre s’est notamment illustrée dans la réalisation de nombreux sièges d’entreprises à forte croissance dans le secteur de la tech ou du digital. Les équipes pluridisciplinaires allient l’architecture, le design et l’immobilier. Paramètre peut ainsi répondre à toutes demandes et exigences. Son approche globale est centrée sur trois points : humain, intelligence, durable. Le projet Labelium. Le groupe a pris pour adresse un immeuble indépendant de 2 000 m2, rue Martel dans le Xe arrondissement de la capitale. Il s’agissait avant tout de regrouper 8 filiales sur un seul site. Les enjeux pour les architectes étaient de créer un lien entre les 8 Business Units tout en gardant les valeurs à chacune des entités qui les caractérisent. Uniformité et indépendance. L’enjeu était de taille : regrouper et unifier les 8 Business Units du Groupe Labelium dans un seul et même lieu tout en permettant à chaque entité de garder ses valeurs. Il a fallu trouver le bon dialogue afin que chacun se sente groupe et indépendant à la fois, le tout pensé dans une logique de durabilité et de sobriété. En amont du projet, Paramètre a entamé un long travail d’audit. Les équipes ont auditionné les collaborateurs, listé les besoins et les attentes permettant ainsi d’établir le macro puis le micro zoning du projet. La spécificité du bâtiment, construit autour d’une magnifique verrière déployée sur 2 étages, un rez-de-chaussée et un sous-sol, associée au cahier des charges très précis du Groupe ont donné lieu à une programmation harmonieuse et précise de l’ensemble des équipes respectant une logique de circulation autour de l’atrium central. Les espaces communs sont implantés au rez-de-chaussée et au sous-sol. On y trouve tous les lieux de vie, les cafétérias, les espaces propices aux réunions et une agora. Tandis que les étages accueillent les 8 Business Units. Ainsi, cette configuration des espaces favorise les rencontres et les échanges. Les enjeux sociétaux et environnementaux étant au cœur des préoccupations de Paramètre et de Labelium, le projet a été pensé dans une logique de sobriété favorisant les matériaux à faible impact, le réemploi et l’économie circulaire. Ainsi peut-on retrouver des plans de travail en terrazzo marin de coquillages, des banquettes en tissu recyclés, des revêtements acoustiques muraux en coton recyclé, des éléments de menuiserie en bois naturel, de la moquette recyclée ainsi que des installations en briques de terre cuite, signature graphique du projet. Le mobilier est issu pour la majeure partie du réemploi ou de l’inventaire du client. Ces matériaux écoresponsables et naturels viennent souligner le parti pris architectural développé par Paramètre consistant à mettre en avant l’aspect brut et sobre du lieu. Ainsi, l’ensemble des gaines et du câblage technique reste apparent tout comme le flocage rappelant l’héritage

    Laisser un commentaire

    dix − sept =