Architecture un lieu

Quand Toulouse brûle sa dernière cartouche

Par Nat Lecuppre, le 19 avril 2024.
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© Lydie Lecarpentier

Afin de préserver son patrimoine historique, industriel et architectural, la région toulousaine a soutenu un projet d’envergure de réhabilitation urbaine, appelé Les Halles de la Cartoucherie.

À l’initiative de ce projet, le promoteur immobilier Redman, qui a été le premier promoteur français certifié B Corp. Pour cette réhabilitation, ce dernier s’est associé des talents de deux agences d’architecture : Compagnie d’architecture et Oeco Architectes.

La Cartoucherie est un quartier emblématique de la ville. Depuis 1802, il est le quartier des activités militaires et industrielles.

Un passé chargé d’histoire.

En 1802, la ville met le terrain à la disposition de l’Arsenal afin de faire des essais de tir aux canons. En 1876, un atelier de chargement de cartouches métalliques est créé. En 1885, la Cartoucherie emploie 1 250 personnes et produit 500 000 cartouches par journée de 10 heures. 1918, 14 730 personnes y travaillent. En 1966, le site est constitué de 290 bâtiments et ateliers sur 82 hectares. À partir de 1990, suite à l’intégration au groupe GIAT Industries, la fabrication des cartouches ne se fait plus à Toulouse. L’activité est davantage axée sur l’électronique (boîtiers et câbles pour les chars Leclerc). En 2005, c’est la fin. Deux bâtiments sont conservés, les Ateliers M1 et M2, qui vont devenir les Halles 121 et 128.

Une association des anciennes employées et des amies de la Cartoucherie est créée au sein de l’Association des Anciens de la Cartoucherie de Toulouse (AACT). Les 240 adhérentes réalisent un gros travail d’archives et de témoignages qui sera en partie repris par Les Halles de la Cartoucherie afin de perpétuer l’histoire.

Programme hybride.

Les Halles de la Cartoucherie est avant tout un projet urbain. Il a pour objectif d’offrir un nouveau modèle de transmission, de vie durable et participative. Cet éco-quartier est un exemple d’engagement environnemental. Les énergies 100 % renouvelables alimenteront les modes de chaud et froid, il n’y a aucun rejet d’eaux pluviales aux réseaux d’assainissement et les stationnements sont mutualisés en parkings silos…

Les Halles de la Cartoucherie, c’est avant tout : 33 hectares de superficie, 3 600 logements, 6 000 habitants, 78 000 m2 de bureaux, 12 000 m2 dédiés à l’enseignement supérieur, 6 000 étudiants, 5 000 m2 de commerces et 15 000 m2 d’équipements publics.

Le projet hybride se développe dans l’un des deux bâtiments conservés (anciennement Atelier M2) sur 13 500 m2. On y propose une multitude d’activités culturelles, gourmandes et sportives. Long de 190 mètres, le bâtiment est scindé en trois parties : la halle nord (7 500 m2), la halle verte (1 200 m2) et la halle sud (2 000 m2). La halle nord regroupe la restauration, les espaces tertiaires, les activités sportives, un espace pour des activités socioculturelles, une salle de danse, une école de formation audiovisuelle et une librairie. La halle verte avec son jardin suspendu couvert est le poumon du site. La halle sud dispose d’une salle d’escalade et des espaces de bien-être.

Une réflexion est menée en amont afin d’imaginer au mieux le concept architectural qui saurait juxtaposer tous ces espaces et activités et les faire cohabiter en totale cohérence.

Avec brio, les architectes ont su conjuguer l’histoire avec la modernité. Les volumes et les matériaux existants sont préservés. La charpente originelle en béton est gardée. Ainsi que le bois et une ossature légère réversible qui procurent un côté chaleureux aux lieux. L’espace industriel est à la fois flexible et évolutif. La façade extérieure du bâtiment classé « élément bâti protégé » est restaurée à l’identique. La brique est nettoyée et les éléments abîmés sont reconstruits en brique foraine. L’ancien pont roulant dans la salle d’escalade est conservé et repeint.

Un site vert.

La région a soutenu le projet avec son programme NoWatt. C’est un engagement en matière d’éco-rénovation mais également un gage pour une empreinte énergétique minimale tout au long de la vie du bâtiment. On a recours aux matériaux biosourcés, aux matériaux locaux. Le réemploi est de mise (briques, anciens portiques, etc.). La ventilation naturelle prend place et une travée verte créée assure le confort des usagers.

Une salle de spectacle de 2 250 m2 verra le jour en février 2024. Elle disposera de 450 places assises et 800 places en configuration assis / debout.

Les Halles de la Cartoucherie sont un nouveau lieu de vie qui a pour objectif d’accueillir environ un million de personnes par an. On s’y promène, on s’y restaure (25 offres de restauration et 4 bars), on fait du sport (escalade, squash, fitness, danse et arts du cirque…), son marché, on profite de la librairie l’Autre Rive avec ses 10 000 références, des programmations artistiques et culturelles, mais on y travaille également.

Un espace tertiaire.

Des espaces de coworking sont mis à disposition. 166 postes de travail et 5 salles de réunion et de formation se répartissent sur 1 300 m2. La moitié des postes est dédiée au corpoworking. C’est à dire aux télétravailleurs qui souhaitent travailler à proximité de chez eux tout en bénéficiant des meilleures conditions. On est dans la configuration de la « ville du quart d’heure » avec aucun déplacement en automobile et tout à disposition en restant proche. Les lieux sont conçus pour favoriser les échanges et la communication entre les usagers. Les espaces peuvent être privatisés et être dédiés à de l’événementiel (conventions, conférences, dîners de gala…).

Services et œuvres sociales.

Pour un meilleur confort, une conciergerie est à disposition dans toutes les Halles de la Cartoucherie. Les concierges sont des personnes peu qualifiées qui seront formées pour mieux s’intégrer dans la vie sociale et professionnelle. Ils vont devenir polyvalents, responsables et autonomes. Ils assurent tout au long de la journée l’accueil du public, l’entretien, la logistique, le nettoyage, la maintenance, le service de sécurité incendie…

Une boutique solidaire et des ateliers sont créés. Ils accueillent une association d’insertion socio-professionnelle pour femmes, les Munitionnettes. Ces lieux via le stylisme leur permettent de lutter contre l’isolement et la précarité. C’est aussi un modèle d’économie éco-responsable et circulaire.

Les Halles de la Cartoucherie offre un nouveau paysage urbain. Les espaces urbains existants ont été réutilisés avec une touche de contemporanéité. Ils sont adaptés aux attentes des usagers.

Les Halles de la Cartoucherie deviennent une étape incontournable dans Toulouse.

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    Les Halles de la Cartoucherie

    10, place des Chartes des libertés communales

    31300 Toulouse

    www.halles-cartoucherie.fr

    Redman

    126, rue de Provence

    75008 Paris

    Tél. : +33 (0)1 40 69 04 25

    www.redman.fr

    Compagnie Architecture

    88, rue Lecocq

    33000 Bordeaux

    www.compagnie-archi.fr

    Oeco

    31, rue Bertrand-de-Born

    31000 Toulouse

    Tél. : +33 (0)5 31 98 98 42

    www.œco-architectes.com

    Retrouvez cet article dans le nda numéro 55
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    L’agence d’architecture lyonnaise Rénow aborde tous ses projets avec philosophie. Emmanuelle Houel, sa créatrice et architecte, aime que chacune de ses réalisations se démarque par sa pertinence et son rendu final. Le travail de l’agence se fait toujours à quatre mains avec le client. Pour elle, ce travail de co-conception est incontournable. Rénow conçoit des projets de rénovation et d’agrandissement dans divers secteurs (tertiaire, retail, etc.). Projet CoreTechnologie Tout récemment, l’agence a livré les bureaux de CoreTechnologie, un groupe franco-allemand, éditeur de solutions logicielles personnalisées pour l’optimisation des données CAO 3D (automobiles, aéronautique, médical, robotique…). CoreTechnologie a pris un local de 500 m2, situés dans le 8e arrondissement de Lyon, pour y accueillir une trentaine de ses collaborateurs. Ses demandes étaient de faire des espaces à l’image de sa marque mais aussi des lieux conviviaux qui fidéliseraient les salariés. La qualité de vie au travail Depuis quelques années, il est difficile de recruter mais aussi de garder le personnel à longue échéance. Pour éviter un turn-over, il s’agit de porter une attention particulière à la QVT (qualité de vie au travail) qui est devenue une priorité. De nombreuses études confirment que 8 salariés sur 10 estiment que leur employeur doit prendre en compte leur bien-être mais aussi leurs conditions de travail. Il est donc important de concevoir des locaux répondant à leurs attentes. Pour Emmanuelle Houel, des ingrédients pour un succès sont la fluidité des circulations, l’apport de la lumière, optimiser les espaces et créer des lieux chaleureux avec leur propre identité. Le fil rouge dans chacune des réalisations de Rénow est la qualité de vie au travail. Chaque projet est conçu sur mesure et répond aux attentes esthétiques et fonctionnelles du client. Une équipe d’artisans qualifiés travaille avec Rénow et garantie la qualité du travail effectué. Le site Les locaux sont les anciens bureaux du géant pharmaceutique Merck. Le bâtiment, des années 1990, était devenu inadapté aux modes de travail d’aujourd’hui avec ses nombreaux bureaux fermés, ses longs couloirs, son revêtement de sol souple et ses coloris d’une autre époque. Rénow a imaginé des espaces contemporains qui favorisent les échanges, le travail informel. On trouve donc des open-space avec des postes de travail configurables selon les besoins et des bureaux fermés vitrés. Une attention particulière est portée à l’apport de luminosité. La lumière naturelle renforce la qualité de vie au travail. Une grande zone de détente avec de confortables canapés est créée. Elle invite à la détente et aux échanges informels. De petites tables basses permettent de travailler. Les couleurs sont apaisantes et les éléments design renforcent cette atmosphère inspirante. Pour une meilleure qualité de l’air, des végétaux sont mis en place. Des zones de rangement sont intégrées dans les espaces de travail afin de dégager les lieux. Avant-projet sommaire À l’origine, en APS, deux concepts d’aménagement sont proposés au client. Le premier avec un plateau divisé en deux parties et avec une zone centrale de services offrant de petits espaces collaboratifs. Cette dernière servait d’articulation entre les espaces de travail nord et sud. Les zones de bureaux fermés et d’open-space sont distinctes.
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