Architecture un lieu

20/20 pour Joseph 2.0 par AW2

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Par Lionel Blaisse, le 15 mai 2025.
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© Léo Ginailhac

La vague de rénovations de chais dans l’Hexagone se justifie, certes pour des raisons d’image de marques, mais avant tout pour intégrer de nouveaux process de vinification tout en améliorant les conditions de travail du personnel, comme l’illustre à merveille le tout récent site des champagnes Krug à Ambonnay.

Il y a sept ans, la Maison Krug prenait la décision de regrouper toute la partie production de son activité viticole – depuis la collecte des moûts jusqu’au tirage – opérée depuis 180 ans dans ses locaux historiques rémois sur le site d’Ambonnay, dont le Clos éponyme – acquis en 1994 – constitue le fleuron de son vignoble. En 2019, Stéphanie Ledoux et Reda Amalou 1 remportent le concours d’architecture dont le programme est le fruit de deux années d’études préliminaires.

Du rêve à la révolution.

Lorsqu’il fonde son entreprise en 1843, le rêve de Joseph Krug est de « créer le meilleur champagne possible chaque année, quelles que soient les variations climatiques ». Pour ce faire, en philosophe de l’individualité et de la patience, il va explorer l’art de l’assemblage pour engendrer tous les ans des champagnes singuliers que ses héritiers sauront faire perdurer. Récoltant et vinifiant à la parcelle, la maison a su « épargner » une partie de ses meilleurs vins pour pouvoir recomposer à l’issue de chaque vendange des cuvées d’exception.

Pour ce vaste projet « industriel », le choix d’Ambonnay – petite commune au sud de la Montagne de Reims d’un millier d’âmes et aux cinquante entreprises viticoles – répondait à la volonté de reconnecter ses cavistes aux vignobles, et non des moindres puisqu’ils œuvreront désormais en vis-à-vis du Clos d’Ambonnay, le plus prestigieux d’entre eux malgré ses 68 ares. D’ailleurs, l’une des contraintes programmatiques visait à ce que les nouvelles installations assurent harmonieusement la transition entre le bourg et les vignes alentours.

Mais le vrai challenge consistait bien en la livraison d’un site de production technologiquement innovant, y compris en matière d’optimisation des conditions de travail de l’ensemble du personnel.

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    Maison Krug

    5, rue Coquebert

    51100 Reims

    Tél. : +33 (0)3 26 84 44 20

    www.krug.com

    AW2

    74, rue Bonaparte

    75006 Paris

    Tél. : +33 (0)1 45 87 75 75

    www.aw2.net

    Retrouvez cet article dans le nda numéro 60
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    Revisiter les codes de l’american diner chez PNY Burger

    Par Lionel Blaisse, le 26 août 2024
    Depuis 2012, Graffi Rathamohan et Rudy Guénaire développent l’enseigne de restauration PNY1 Burger qui revisite les codes du diner américain pour offrir le meilleur du burger à la française. Leurs douze adresses actuelles, dont quatre en régions2, n’ont rien du copier-coller. Les deux anciens élèves d’HEC veillent, en effet, à faire aussi voyager leurs clients – plutôt hipsters – dans un autre monde. « Alors on cherche des architectes géniaux, et on les drogue jusqu’à ce que leur vienne une idée simple, jolie, forte mais pas trop chère ! », plaisantent-ils. Après CUT Architectures, le jeune Belge Bernard Dubois a conçu leurs trois derniers spots parisiens. Faste-good. Le succès de l’enseigne repose sur son concept de burgers gourmets et créatifs : « un bun brioché à peine grillé, une viande de bœuf 3 maturée trois semaines, hachée et cuite minute à la flamme, un cheddar fermier produit dans le Somerset ». Travaillant avec les Nouveaux Fermiers, PNY Burger c’est aussi « ingrédients de qualité + fournisseurs bien payés + staff bien rémunéré 4 = tout le monde heureux ». Garantir de trouver partout les mêmes plats à la qualité irréprochable n’impose aucunement pour autant un unique décor. Chaque adresse doit avoir son âme en osmose avec son quartier, sa taille et sa morphologie. Et l’imaginaire hérité des diners US est non seulement infini – depuis ceux des Art déco jusqu’au film culte American Graffiti en passant par l’univers de la Grande Dépression dépeint par Edward Hopper – mais encore porteur de créations. Si, au PNY de Pigalle, CUT a misé sur le son, au Faubourg Saint-Antoine Bernard Dubois revisite le wagon restaurant originel influencé par Hans Hollein, Mario Botta et Kazuo Shinohara. Arches d’alliance. N’allez pas y voir un exercice de styles brouillant les frontières mais, en féru d’architectures, Bernard Dubois aime à nourrir la sienne de celles éclectiques qui l’ont construit. Pour son troisième PNY, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie5, il convoque l’esprit de son regretté compatriote André Jacqmain. Son agencement tout de bois sombre transpose avec classe les arches interrompues de la bibliothèque des Sciences érigée en 1975 à l’université catholique de Louvain-la-Neuve. Muée depuis en musée, elle constitue une des œuvres maîtresse de la période brutaliste et postmoderniste de son illustre confrère. Le recours tout aussi obsessionnel à ce motif « arch’aïque » confère à l’intérieur de cet ancien bistrot du Marais – à la belle hauteur sous plafond et à la devanture d’angle conservée et repeinte couleur sable – des allures tronquées de cloître roman ceint de sa galerie. Ce dispositif ménage ainsi deux espaces, davantage intimiste en périphérie, plus animé au cœur, autour du bar. Une série de cannelures « votives » menuisées dédouble le comptoir inox – celui inférieur permettant à quelques hôtes supplémentaires de s’y restaurer in extremis. Également servie par les enduits ton pierre des maçonneries existantes, l’ambiance monacale est ravivée par l’essence de bois clair et le jaune paille des revêtements du mobilier sur mesure. Un jeu de miroirs au dessus des cimaises dilate astucieusement la taille réduite du lieu. L’homme jeune « m’arche » plus vite que l’ancien quand l’ancien connaît
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    Urbanisme

    TROYES, entre Vitrail et Bricorama

    Par Anne-Marie Fèvre, le 27 avril 2023
    La ville champenoise, longtemps endormie entre ses joyaux médiévaux et ses périphéries marchandes, se réveille avec l’inauguration de l’ESTP, grande école des travaux publics, et sa lumineuse Cité du vitrail. Quand on arrive à Troyes, ouf, le quartier de la gare est enfin en travaux ! Devraient surgir là vers 2023 un complexe immobilier avec un hôtel quatre étoiles, une résidence pour seniors, une autre destinée aux étudiants, des commerces… Car, pendant plus de dix ans, cette place a été tristement à l’abandon, des herbes folles poussaient sans gêne dans l’ex-brasserie Barboussat jadis si populaire. En plus, le TER qui relie Paris à Troyes est souvent imprévisible, ou supprimé. Ce n’est pas une bonne réclame pour la ville ! Des préaménagements de cet « îlot gare », futur « pôle d’échange multimodal », l’ont un peu amélioré. Un petit jardin-promenade plaisant, où l’eau court, avec de vrais bancs, de vrais arbres, entraîne mieux vers le centre de cette belle médiévale. Elle si vivante jadis, qui a longtemps été sacrée Capitale de la province et Comté de Champagne à partir de 1418, puis « reine de la maille » vers 1820, est une rescapée. Il a bien fallu la faire revivre, cette princesse ouvrière textile, quand elle est tombée en déclin dans les années soixante-dix. 25 000 ouvriers, surtout des ouvrières, travaillaient dans cette filière qui n’en compte aujourd’hui plus que 3 000, entraînant dans sa chute la métallurgie liée au textile. Entre chômage, usines ancestrales vides, elle a vécu une vertigineuse perte d’identité. Troyes s’est reconvertie en partie vers le commerce pour devenir la capitale européenne des centres de marques, exilés dans ses banlieues. Des usines ont été réhabilitées en logements telle Mauchauffée, rue Bégand. Le roi de la culotte Petit Bateau (groupe Rocher) a résisté, prône le bio et la vente en seconde main pour « changer demain ». Plus récemment, le tricoteur Bugis, France Teinture, les chaussettes Tismail se sont réimplantés. Les voici menacés par la hausse des prix de l’électricité et du gaz1. De cette crise profonde du textile, subsistent encore des abcès urbains. Jules-Guesde et Les Sénardes figurent parmi les 20 quartiers les plus déshérités de France, selon le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités2. Une Vague à Rosières Mais ces derniers mois, il y a du réveil à Troyes, de ses rues pavées à ses confins. La ville – qui n’était guère universitaire – continue à rebondir avec l’enseignement supérieur. À Rosières, ancien village grignoté au sud par Troyes, dont la population augmente, a jailli une nouvelle pierre à ce développement universitaire : l’École spéciale des travaux publics du bâtiment et de l’industrie (l’ESTP), qui compte 330 étudiants. Cet équipement blanc, en forme de vague, percute ! « Cette vague, explique l’architecte Jean-Pierre Lott, un repère fort pour l’arrivée sur le campus, est aussi une prouesse. Tout le bâtiment se doit d’être un modèle d’architecture et d’ingénierie pour ces étudiants formés à l’excellence des travaux publics. » C’est un vaste hall blanc qui accueille et ouvre sur un atrium de 540 m2. Autour sont organisés 5 pôles : enseignement (sur trois niveaux), recherche, administration,
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    Architecture remarquable

    Les arcs en ciel de La Porte Bleue

    Par Lionel Blaisse, le 23 septembre 2024
    En septembre dernier, Constructa livrait à Marseille La Porte Bleue, le troisième et avant-dernier édifice de sa parcelle des Quais d’Arenc. Jean-Baptiste Pietri y signe une « arch’itecture » tout aussi inattendue qu’iconique. Éditeur urbain avant l’heure, Marc Pietri a su relever le challenge visant à faire de ce territoire ingrat cerné par les deux autoponts de l’A55 l’emblème du renouveau architectural d’Euroméditerranée. Sa tour La Marseillaise dessinée par Jean Nouvel, l’immeuble de bureaux Balthazar conçu par Roland Carta, La Porte Bleue et la future tour M-99 bâties par son fils défient avec brio le siège de CMA-CGM voisin érigé par Zaha Hadid. Initialement, il était prévu qu’Yves Lion construise à cet endroit une seconde tour de grande hauteur (113 m) abritant un hôtel et une résidence hôtelière. Mais le développement sur plus de vingt ans de telles opérations immobilières est des plus complexe, le contexte qu’il soit économique, sanitaire, politique influe inévitablement sur les programmes. C’est donc un édifice deux fois moins ambitieux (53 m de haut, 13 000 m2) qui vint s’y substituer. Une résidence de tourisme quatre étoiles de 250 unités avec piscine intérieure, restaurant et espaces de réception, en investit les onze premiers niveaux tandis que les sept supérieurs accueillent 68 logements en accession, du T1 au T4 du douzième au seizième étages, des T3 et T4 en duplex aux dix-septième et dix-huitième étages. Arch’itecture méditerranéenne. Dans le contexte tertiaire existant, la construction devait affirmer son destin « résiden-ciel » et son ancrage phocéen. Si le concepteur assigne à sa ville natale une minéralité immaculée, encore voulait-il impulser à son architecture une modénature-signature forte susceptible tout à la fois de déréguler le diktat sériel des immeubles d’habitation de grande hauteur (le sien étant un parallélépipède légèrement trapézoïdal) et cadrer les vues époustouflantes sur la Grande Bleue et la cité tout en les protégeant des ardeurs solaires. Tout le bassin méditerranéen, Maghreb compris, offre une vaste déclinaison d’arches qu’elles soient cintrées, surbaissées, outrepassées, entrecroisées ou brisées, qu’elles soient baies, porches ou arcades. Elles dispensent une ombre et une fraicheur changeantes, modulent l’enveloppe et recadrent les regards. Jean-Baptiste Pietri les a pratiquées en réhabilitant les voûtes de la Major non loin d’Arenc. Mais en rationaliste romantique, il a aussi visité les arènes et amphithéâtres exportés par la Rome antique un peu partout dans son empire qui, à leur tour, ont inspiré tout autant de palais toscans, vénitiens ou amalfitains que celui de la Civilisation italienne de l’EUR mussolinienne que Fendi a heureusement refusé de vouer aux gémonies ! Son projet va donc se présenter comme un monolithe composé de 414 voûtes autoportantes en béton blanc armé bas carbone. Liés par clavetage aux poutres et dalles coulées, treize modules différents de 90 cm d’épaisseur en forme de Y ont été préfabriqués à Aubagne par la société Méditerranée Préfabrication. Leur casquette de 90 cm met les baies vitrées (50 % des façades) à l’abri du vent et du soleil. Le bâtiment est chauffé et climatisé grâce à Thassalia, procédé de géothermie marine à la pointe de la technologie. Une singulière réalisation des plus poétique !

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