Architecture, l'esprit du lieu

Archaïsme et brutalisme sur la cène berlinoise

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Par Lionel Blaisse, le 2 septembre 2024.
Le restaurant Jigi Poke à Berlin
DR

Conçue en pleine pandémie, la « cénographie » imaginée par le Studio Vaust pour le Jigi Poke – « faste-food » hawaïen en plein Mitte berlinois – fait preuve d’un dépouillement semblant invoquer « l’essence des choses » si chère à Brancusi !

Le studio créé en 2018 par David Kosock et Jœrn Scheipers embrasse sans hiérarchie l’architecture intérieure, le design d’objet et la direction artistique. Ils défendent une esthétique vibrante et brutaliste dont les juxtapositions inattendues font la part belle aux matériaux naturels ou industriels peu onéreux.

Faim du monde ?

Imaginer un lieu de partage culinaire exotique en plein confinement urbain, à l’heure où certains envisageaient déjà la fin de notre monde, tenait du paradoxe. Alors pourquoi ne pas étendre la distanciation physique, alors de mise, à l’imaginaire indigène ? Seule une très belle photographie noir et blanc d’un pêcheur polynésien assis sur un rocher « épuise » le cliché !

Si les plats proposés font l’éloge du nomadisme, le mobilier se l’interdit. Investissant la proue de ce pas de porte laissée brute de décoffrage, deux longues et larges tables en béton toutes aussi inamovibles que les blocs de pierre brute juste dégrossis faisant office de tabourets constituent un cénacle sanitaire. Quelques plots de bois à peine équarris ou sommairement taillés complètent les assises. Même les grands rideaux de lin immaculés suspendus à leurs tringles cintrées partitionnant l’espace, l’enduit ton pierre des murs ou le béton ciré du sol confèrent au lieu des allures de l’atelier de Constantin Brancusi dont les socles auraient été dépouillés de leur sculpture, à l’exception de l’étrange roche pivotant en lévitation dans la vitrine à l’angle de Rosenthaler et Linien Strasse ! C’est d’ailleurs elle qui constitue l’identité visuelle du restaurant.

La dérive des condiments.

Deux parallélépipèdes d’inox, dont la dérive semble être contenue par une angulaire cale en béton coulé comme en partie dévorée par les assauts climatiques, tiennent lieux de pôles commande et préparation des bowls et autres mets figurant sur la carte imprimée sur la paroi derrière la caisse.

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    Jigi Poke

    Rosenthaler Strasse 69

    10119 Berlin

    Tél. : +49 30 275 939 38

    www.jigipoke.de

    Vaust Studio GmbH

    Ansbacher Strasse 71

    10777 Berlin

    Tél. : +49 30 279 984 41

    www.vaust.studio

    Retrouvez cet article dans le nda numéro 56
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    Poissons frais… sans glace, ni odeur !

    Par Lionel Blaisse, le 25 avril 2025
    Dans ce qui reste du marché Saint-Germain au cœur du désormais très huppé 6e arrondissement, un couple de poissonniers nouvelle vague révolutionne la profession en ayant fait disparaître la glace pilée du processus de conservation de leurs poissons ! Depuis les années 1970, le retour en grâce et la rénovation des halles et marchés couverts ont concouru à revaloriser les commerces de bouche et promouvoir la bistronomie. Avec ses étals ruisselants recouverts de glace pilée, ses effluves incommodantes, l’inconfort humide du personnel, la poissonnerie manque quelque peu d’appétence. Pour Arthur et Marie-Victoire Viot, toutes ces contraintes n’avaient rien d’une fatalité. Le goût du bon sens. Juriste en assurances passionné de plongée sous-marine, Arthur Viot s’interrogeait sur les techniques de conservation de toute cette faune aquatique dont l’eau fut bannie des siècles durant afin de l’assécher (salage, séchage, fumage…) pour mieux la préserver. Pourquoi « persiste-t-on à vouloir présenter le poisson après sa mort comme dans le milieu naturel où il évolue, d’autant que tout milieu humide favorise le développement de bactéries. Viandes et fromages sont toujours conservés bien au sec ; les mêmes lois biologiques s’appliquent au poisson : sa chair n’a aucunement besoin d’eau, qui nuit même à sa conservation optimale. En effet, le poisson perd ainsi de sa fermeté, ses saveurs s’atténuent et le développement des bactéries génère une dégradation des chairs, créant des odeurs désagréables ». Après s’être formé deux ans durant à la poissonnerie traditionnelle – notamment à l’Avant Comptoir de la Mer du chef Yves Camdeborde place de l’Odéon – Arthur Viot ouvre en 2021 sa poissonnerie au marché Saint-Germain avec son épouse – ex-ingénieure reconvertie à la cuisine – et Quentin Caro, ingénieur en halieutique passé par Terroirs d’Avenir. Pour leur échoppe, ils ont mis au point des armoires et vitrines réfrigérées permettant la conservation des poissons à sec, dans des conditions d’humidité régulées ayant fait l’objet de brevets, qui va de pair avec une minutieuse préparation préalable spécifique du poisson. Des impacts aussi économiques qu’environnementaux. « Travailler sans glace a bien d’autres impacts positifs : réduction de la consommation d’eau potable des boutiques (estimé à 2 m3 de glace par étalage, soit environ 1 834 litres d’eau, auquel il faut ajouter l’eau de rinçage des poissons, étals et sols souillés par la glace qui fond), abandon des machines à glace énergétivores, de la manutention pénible souvent à l’origine de risques professionnels pour les poissonniers… Préservés au sec, les poissons se conservent 2 à 3 fois plus longtemps que selon la méthode traditionnelle. Ce qui signifie moins de pertes pour le poissonnier 1 et une gestion quotidienne des achats plus responsable. » Pour rappel, la moyenne des pertes en marchandise varie de 5 à 15 % pour les poissonneries indépendantes et monte jusqu’à 25 à 40 % pour les rayons des grandes et moyennes surfaces (GMS).  
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    Van B d’UNStudio, un exemple de flexibilité

    Par Sipane Hoh, le 14 mai 2025
    À la croisée de plusieurs quartiers prisés de Munich, donnant sur l’Infanteriestrasse, le projet résidentiel Van B d’UNStudio (Ben van Berkel) se distingue par la très grande flexibilité de ses intérieurs. Optimiser l’espace, créer des liens entre extérieur et intérieur et agencer ce dernier comme une extension des espaces de vie est l’une des particularités de cette réalisation. Avec ses appartements d’une à trois pièces, ses lofts-galeries et ses habitations sur le toit, le projet résidentiel Van B achevé en 2024 par UNStudio et le promoteur Bauwerk à Munich s’adresse non seulement à l’évolution démographique et aux constellations familiales multiples, mais offre un espace de vie intérieur-extérieur, des espaces communs, des installations partagées et un nouveau système très flexible qui peut transformer un appartement de 40 m² en loft de 60 m². Plusieurs solutions et une multitude de possibilités pour un confort optimal. Avec sa forme compacte et ses lignes rigoureuses, Van B abrite 142 appartements, studios et penthouses desservis par 81 places de parking souterrain. L’ensemble se caractérise par ses baies vitrées, ses balcons, ainsi que ses potagers partagés et privés, mais aussi sa plantation sur le toit avec une vue panoramique à 360° et sa cour intérieure avec des zones de fitness et de détente, tout un panel d’astuces qui renforcent la relation intérieur-extérieur. Van B est un condensé de durabilité, le concept constitue l’expression architecturale de plusieurs idées comme l’économie de partage, la vie collective et les modes de vie inclusifs. Ainsi, les résidents peuvent profiter d’un espace de cohabitation pour travailler à domicile, participer à des réunions en ligne et utiliser un système de boîtes à colis, mais également se partager les voitures et les vélos électriques. Des stations de recharge électrique et une station de réparation de vélos se trouvent également sur place. « Le lien social est essentiel à notre bien-être. Aujourd’hui plus que jamais, nous constatons que de nombreuses personnes souhaitent et ont besoin de croiser régulièrement leur famille, leurs amis et leurs voisins. Mais avec les voisins en particulier, ces rencontres sont généralement spontanées et doivent donc être facilitées. L’architecture peut créer des cadres qui permettent aux gens de se sociabiliser, où les communautés de quartier peuvent se former et où des rencontres spontanées peuvent se produire », déclare Ben van Berkel, le fondateur d’UNStudio. Au-delà d’un simple empilement volumétrique. Van B remet en question certains codes de l’habitat moderne. De même, le concept va au-delà d’un simple empilement volumétrique et permet aux gens d’adopter un mode de vie plus flexible. De ce fait, le système insérable élaboré dans ce projet permet aux divers usagers de modifier facilement l’utilisation du même espace en quelques gestes, ce qui permet de transformer une pièce d’un bureau généreux en un salon confortable ou une chambre à coucher. Pour obtenir cette flexibilité, UNStudio a conçu, en collaboration avec Bauwerk, un système de cloisons et de meubles adaptables « basé sur des modules d’extension », installé dans tous les appartements, quelle que soit leur taille. Il s’agit d’un ensemble de neuf modules qui permettent aux résidents de reconfigurer leur appartement en fonction de leurs besoins immédiats, et d’organiser l’espace en fonction de leur programme.
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    Vitra la plus belle vitrine de Tiffany & Co

    Par Nat Lecuppre, le 19 mars 2025
    Vitra, l’éditeur de mobilier suisse, étend ses compétences à la conception de sièges sociaux. La marque vient de réaliser le nouveau siège social de la maison de haute joaillerie Tiffany & Co, propriété du groupe LVMH. Tiffany & Co, en transférant son siège de Londres à Paris, souhaitait un écrin design et innovant. Elle élit domicile dans un immeuble haussmannien dans le 6e arrondissement de la capitale. C’est le service consulting et planning Studio de Vitra qui a aménagé l’intérieur de tous les espaces (réception, espaces de travail, cafétéria…). Le projet met en exergue les produits Vitra jusqu’à leur mise en place dans les bureaux. Vitra imagine des lieux élégants, contemporains et ergonomiques favorisant la flexibilité pour le bien-être des équipes. Les lieux reflètent les nouveaux modes de travail et incarnent les valeurs et la culture d’entreprise de Tiffany & Co. Les espaces sont appropriés aux divers usages et conçus pour attirer les nouveaux talents. Les interactions entre équipes, les échanges et la communication sont favorisés par l’aménagement intérieur. Les collaborateurs peuvent choisir leur espace selon leurs envies et besoins (travail individuel ou collaboratif). Vitra crée des produits durables, design et ergonomiques. Le mobilier est mis en scène dans les espaces et mis en valeur. On trouve du mobilier des marques Vitra et Artek dans la réception, les bureaux, les salles de réunion, la cafétéria, les salles de formation et les espaces de convivialité. Pour dynamiser les lieux, différents produits se conjuguent. Dans les bureaux, les tables Joyn 2 et les Tyde 2 Workstations des frères Ronan & Erwan Bouroullec sont associées à la chaise ergonomique ID Trim d’Antonio Citterio. Les alcôves des designers français et la cabine insonorisée Talky crée un environnement pour s’isoler et se concentrer ou pour travailler en petit comité. Le sofa Abalon des frères Bouroullec et le Soft Work d’Edward Barber & Jay Osgerby invitent aux réunions informelles ou à se poser dans cette zone d’attente ainsi formée. Des accessoires complètent les aménagements pour un travail hybride et plus de flexibilité. On trouve la tablette NesTable de Jasper Morrison, la Toolbox RE en plastique recyclé d’Arik Levy, entre autres. Les coloris retenus pour ce projet créent une ambiance douce et esthétique. Les matières retenues sont nobles et écoresponsables. Le site est une belle référence de mobilier. On trouve des pièces de design et classiques juxtaposées à du mobilier de bureau. Le tabouret en liège Cork de Jasper Morrison, le rayonnage mural de Jean Prouvé, la chaise Eames Plastic Side Chair de Charles & Ray Eames en plastique recyclé… sont autant de pièces emblématiques du design qui font des lieux une belle exposition. Les espaces sont spacieux et mettent au cœur du projet le confort des utilisateurs. Le siège social de Tiffany & Co est à son image et répond à toutes ses attentes.

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