Architecture un lieu

Invitation œnotouristique

Par Nat Lecuppre, le 12 avril 2024.
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© ATELIERS ADELINE RISPAL, Photo Luc Boegly

Chevalier de la Légion d’honneur, primée de la mention spéciale du Prix Femmes Architectes 2022 pour l’ensemble de sa carrière, académicienne d’architecture, fondatrice de la fédération des concepteurs d’expositions XPO, membre titulaire du Haut Conseil des musées de France… Adeline Rispal a plus d’une corde à son arc.

Adeline Rispal.

Adeline Rispal est mondialement connue pour concevoir des projets culturels et patrimoniaux exceptionnels. Cette architecte scénographe vient de livrer en plus du Musée savoisien et du Centre national du costume et de la scène, Les Cités des climats et vins de Bourgogne à Chablis et Mâcon.

L’agence Ateliers Adeline Rispal a remporté les deux concours de maîtrise d’œuvre scénographique séparés pour les Cités de Mâcon et de Chablis. Ces projets sont à l’initiative du BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne), propriétaire des sites, dont la maîtrise d’œuvre d’architecture est signée l’Atelier Correia Architectes et Associés pour Chablis, et RBC Architecture associé à ACL Architecte pour Mâcon.

Mise en scène des lieux.

Pour ces deux projets, Adeline Rispal a conçu une scénographie différente. Toutefois, ils ont en commun la place de l’usager, qui est mis au cœur du concept. Les Cités des climats et vins de Bourgogne ont pour objectifs de devenir des lieux de référence pour néophytes et passionnés, de faire découvrir à travers des expériences conviviales, sensorielles et pédagogiques le vignoble travaillé par l’homme.

Le « climat » est une notion bourguignonne qui évoque une parcelle de vigne délimitée depuis des siècles (la plus ancienne datant de 630), avec les caractéristiques s’y référant (sol, cépage, altitude…). Il est à noter que la Bourgogne compte 1 200 climats.

Adeline Rispal a conçu sa scénographie sur trois fondements pour offrir une expérience singulière. Pour elle, le visiteur doit éprouver en ressentant pour connaître par l’expérience, comprendre en exprimant et partageant ses émotions, déguster en appréciant les saveurs et en éduquant son goût.

Des strates pour structurer et ressentir.

Le fil rouge des scénographies des lieux est le concept de strates géo-sensorielles. Trois sortes de strates sont pensées. Elles créent des univers pour plonger le visiteur en totale immersion. Les strates permettent de concevoir des ambiances spécifiques selon les matériaux (roche, bois, végétaux…) mais aussi avec tous les outils technologiques (multimédia, numérique, signalétique, didactique, éclairage…).

Immersion avec les cinq sens.

Les cinq sens interviennent lors des visites des Cités. On vit les choses. Le parcours est ponctué de contenus audiovisuels sur le travail de la vigne, l’art de la vinification, les traditions, la culture, la tonnellerie… et avec des témoignages de vignerons.

S’éduquer au goût par les mots.

L’histoire du patrimoine des climats est interprété aussi avec des mots. Un univers poétique et émotionnel est exprimé au travers Jean-Pierre Garcia, Bernard Pivot et Jacques Puisais.

Une attention particulière est portée au graphisme. La signalétique est travaillée dans les tons du parcours pour les adultes, et pour les enfants elle est plus ludique. Trois langues : français, anglais et allemand.

Entendre.

L’ouïe tient une part importante dans le projet. Les sons apaisent et permettent de mieux ressentir la vie des terroirs. Une création sonore est imaginée dans tous les espaces. Elle est synchronisée. Selon l’endroit où l’on est, le son s’atténue ou s’intensifie. On entend des bruitages liés aux métiers mais aussi le clocher retentir près de la maquette interactive. Aucune cacophonie. Tout est dans le tempo, aucune fausse note dans le mix de bruitages et de compositions musicales. Les strates sonores se complètent et s’harmonisent.

Place aux enfants.

Un parcours est pensé pour les plus jeunes. On ponctue les lieux de petites cachettes dissimulées dans les strates. Les enfants apprennent en s’amusant. Ils découvrent l’histoire de la vigne avec les fossiles, les abris dans les vignobles appelés les cabottes, les animaux… À la sortie, ils finissent par la dégustation d’un jus de raisin.

Le site de Chablis.

Dans le cellier historique du Petit Pontigny, qui appartenait aux moines cisterciens (XIIe siècle), l’exposition a une superficie de 300 m2. L’Atelier Correia Architectes et Associés a réalisé une extension contemporaine de verre, de bois et de béton de terre afin de garder le côté historique. La nouvelle aile se dissocie de l’ancien édifice autour d’un jardin intérieur.

La scénographie se marie avec les strates du jardin, conjuguant ainsi l’extérieur avec l’intérieur. Les voûtes de pierre conservées sont valorisées par les mises en scène horizontales à 1,90 m du sol. Un espace en double hauteur dynamise les lieux.

Le site de Mâcon.

La Cité de Mâcon est dans un bâtiment hybride des années 1950 en bord de Saône à proximité du centre historique. L’extension signée RBC Architecture et ACL Architecte dote l’édifice d’un belvédère contemporain de 7 mètres en forme de vis de pressoir. Le site avec cette architecture devient un repère dans la ville.

La superficie du parcours est de 350 m2. Le parcours se prolonge jusque dans le hall. La scénographie des strates se traduit en cercles concentriques dans la boutique, les espaces annexes et l’accueil. Afin de simuler les variations de la météo, un lustre magistral joue avec les intensités et couleurs.

En entrant, les strates horizontales de films composent une mosaïque de vues ou alors une grande image. Elles s’insèrent entre les murs historiques. Une grande maquette interactive blanche représente les territoires des Cités. À 80 cm de hauteur, elle permet une parfaite lisibilité et est accessible à tous. Sur la maquette, des projections soulignent les facteurs naturels mis en valeur par l’homme au fil du temps. Un système interactif tactile permet au visiteur doté d’un bracelet connecté de lancer des séquences animées en s’approchant de telle ou telle zone. À la fin de sa visite, selon ses interactions et déplacements, on lui donne son profil d’amateur de vin de Bourgogne.

Une cave aux arômes.

L’espace composé de sphères en verre sur une table permet de humer et gouter les vins.

Travail sur l’éclairage.

La lumière tient une part importante dans la scénographie. Le parcours commence dans la pénombre. Des points lumineux, discrets et intensifs servent de repères dans l’espace autour des écrans. La luminosité guide les visiteurs. Dans la cave aux arômes, l’éclairage accentue le nectar.

Le choix des technologies de l’éclairage ont pris en compte la durabilité, leur consommation énergétique et leur maintenance. Les luminaires sont à LED à haut rendu de couleurs (norme TM30-15). Des sources ponctuelles sont intégrées à l’architecture et aux mobiliers d’exposition. Le concept d’éclairage est piloté dans l’ensemble sur une tablette mobile.

Des espaces publics.

À la fin du parcours, une plateforme œnotouristique présente l’offre complète du territoire. Un questionnaire permet d’orienter les visiteurs pour découvrir la région. Une boutique est conçue dans l’esprit du musée avec des strates. On y trouve des comptoirs d’accueil, une librairie, des produits… Elle dispose de grands volumes qui favorisent les rangements et le stockage. Un espace de dégustation invite les visiteurs dans un cadre plus chaleureux car les strates sont en bois. Les lieux dotés de grandes tables hautes, d’espaces lounge… sont conviviaux et pensés pour tous publics.

Un travail titanesque a été pensé et effectué dans les moindres détails pour ces deux adresses.

Le prix international de design, The Muse Design Awards, fondé à New-York en 2015, est l’un des prix les plus influents dans le monde du design créatif. Les Ateliers Adeline Rispal viennent de remporter deux prix pour les Cités des climats et vins de Bourgogne. Ils sont Silver Winner dans les catégories Design d’intérieur – Expositions, pavillons & expositions et Design d’intérieur – Musée.

Un seul mot : Chapeau bas !

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    Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne

    12, boulevard Bretonnière

    21200 Beaune

    Tél. : +33 (0)3 80 25 04 80

    www.vins-bourgogne.fr

    Ateliers Adeline Rispal

    29, rue Miguel-Hidalgo
    75019 Paris

    Tél. : +33 (0)1 43 56 91 45

    www.adelinerispal.com

    Cités des climats et vins de Bourgogne

    1 bis, rue de Chichée 89800 Chablis

    et

    520, av. Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 71000 Mâcon

    www.citeclimatsvins-bourgogne.com

    Atelier Correia Architectes et Associés

    7, place de la République
    21210 Saulieu

    Tél. : +33 (0)3 80 64 38 53

    www.ateliercorreia.com

    RBC Architecture

    98, rue de la Liberté

    71000 Mâcon

    Tél. : +33 (0)3 85 21 97 05

    www.rbc-architecture.fr

    ACL Architecte

    266, rue de Bourgogne

    71680 Crêches-sur-Saône

    Tél. : +33 (0)3 85 32 90 65

    www.architecte-christine-larochette.fr

    Retrouvez cet article dans le nda numéro 55
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    46/48 avenue de la Grande Armée Une réhabilitation d’exception

    Par Nat Lecuppre, le 10 novembre 2023
    L’architecte Franklin Azzi a réalisé une réha­bi­litation singulière d’un immeuble de bureau, au 46-48, avenue de la Grande Armée à Paris. L’architecte a eu pour mission de revaloriser le site et de l’adapter aux normes et aux attentes actuelles des utilisateurs tant en termes d’effectifs que de confort d’usage. Franklin Azzi a su avec son talent reconnu rendre attractif cet ensemble de 9 200 m2 en conjuguant les styles Art déco et Industriel. Les objectifs étaient de rendre les lieux lisibles et de les ouvrir sur la ville mais aussi de les moderniser. Le site Pour Franklin Azzi, il s’agissait de donner du sens et de connecter les deux bâtiments au 46-48 avenue de la Grande Armée et rue de Brunel. Pour cela, le patio historique a été repensé et une agora créée pour relier les deux bâtiments. Elle devient le cœur du site. Les façades ont été conservées. Une véritable attention a été portée à l’apport de lumière naturelle et surtout à la valorisation des hauteurs libres. Les RDC et R+1 sont ouverts sur l’atrium central baigné de lumière et accessible par un escalier visible depuis le hall en double hauteur. Autour de cet atrium, les utilisateurs bénéficient de divers espaces qui renforcent leur bien-être : un lobby, un business center, une cafétéria et un espace d’échanges informels, entre autres. Le projet de Franklin Azzi comprend également la réalisation d’une surélévation en toiture au R+7. Une extension vitrée et sa toiture sont ainsi reliées aux R+7 et R+8 côté rue de Brunel. La surélévation vitrée a été conçue avec des châssis coulissants toute hauteur. Une casquette, de couleur zinc en clin d’œil aux combles des bâtiments avoisinants, surmonte celle-ci. La dimension contemporaine se trouve renforcée par le choix de la charpente, des menuiseries en acier, des ouvrants et des protections solaires. Un important travail de réflexion a été effectué sur la structure pour une meilleure organisation des espaces. Par exemple, une charpente invisible au R+6 a été créée pour permettre une surélévation au R+7. L’architecte a joué avec les styles dans une belle harmonie. L’Art déco se marie au style Industriel et fait la part belle aux matériaux nobles, performants et durables (bois, pierre de taille, feutre…). On reconnaît la griffe de Franklin Azzi et son côté perfectionniste. Aucun détail n’est laissé au hasard, tout est dessiné sur-mesure comme les sièges de l’auditorium. Afin de préserver l’ADN des lieux, des recherches d’archives patrimoniales ont été menées. Franklin Azzi a su mettre en valeur l’existant et anticiper les usages dès la conception. Chapeau bas pour cette réhabilitation d’exception.
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    Architecture un lieu

    Concevoir des bureaux à son image

    Par Nat Lecuppre, le 7 juin 2024
    Les architectes ont la chance de pouvoir concevoir des lieux qui leur ressemblent. Tel est le cas pour l’Atelier du Pont. Les fondateurs et associés, Anne-Cécile Comar et Philippe Croisier, ont dessiné et réalisé leur propre agence. Chez Eux. Situés au 9, impasse Lamier dans le 11e arrondissement de Paris, les locaux sont à l’image du savoir-faire des architectes. Cette vitrine de 900 m2 est répartie sur 4 niveaux. À savoir un rez-de-chaussée, R+1, R+2 et une toiture habitable. Les lieux sont imaginés comme un petit laboratoire où chacun se croise et échange tout en travaillant. Au rez-de-chaussée, on trouve l’atelier maquette, un espace de coworking, une salle de réunion et une salle de sport. Le R+1 abrite l’accueil, une cafétéria qui peut devenir un lieu d’exposition selon les besoins et un showroom de matériaux de décoration. Au R+2, les espaces de travail sont en open space. Une bulle de réunion favorise le travail collaboratif. On a également une matériauthèque. Quant à la toiture, elle est aménagée pour être habitée. Des bureaux sur mesure. Atelier du Pont a conçu en totalité le projet. Celui-ci démontre la capacité de l’agence pour intégrer le design global dans ses réalisations. Comme dans leurs autres projets, on retrouve comme matériau de prédilection le bois brut. Pour les architectes, le bois souligne le côté chaleureux et, en plus, son côté olfactif renforce la sensation de bien-être. Les architectes associent des teintes chaudes et colorées des peintures au bois. Elles structurent l’espace. Une réflexion est menée avec leur propre bureau d’études intégré en éco-conception Plan 02 pour proposer des locaux reflétant leur engagement RSE. Des procédés low-tech remplacent la climatisation (stores, ventilation naturelle, brasseurs d’air…). Une attention particulière est portée aux échanges, à la diffusion des informations et à la convivialité. Les bureaux sont organisés en U autour d’un patio planté. Les équipes sont encouragées à se déplacer. Des espaces partagés à chaque étage invitent aux échanges informels, au travail collectif et à la communication. Conçu comme un logement, l’espace de travail est rendu évolutif par la structure poteaux-poutres suivant ses futures évolutions. L’impasse Lamier est un véritable petit cocon pour les 40 collaborateurs de l’agence. Ils sont à l’image de leurs créateurs.
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    Architecture, l'esprit du lieu

    Quand la cuisine se marie à l’architecture

    Par Nat Lecuppre, le 31 octobre 2025
    Le restaurant Maslow Temple, situé au 32, rue de Picardie à Paris (3e), est signé de l’architecte Juliette Rubel. Ce restaurant veggie est la 3e ouverture des propriétaires Julia Chican, Marine Ricklin et Mehdi Favri. Elle souligne le succès de cette cuisine qui est aussi surprenante et colorée que les lieux. Chez Maslow, on revisite la cuisine végétarienne sous toutes ses facettes. Les plats sont une exploration des goûts et des émotions. Le sourcing des produits 100 % français sont en circuits courts ou en direct avec les producteurs. La démarche anti-gaspillage fait loi. Une architecture à son image Pour ce temple des saveurs, il fallait un lieu qui reflète toute ses valeurs. L’adresse est historique et classée. L’immeuble à la façade parisienne révèle un intérieur spectaculaire. Le 32 rue de Picardie est un ancien atelier de boulons Eiffel. Les lieux ont donc une structure métallique d’origine classée. Au sous-sol, subsiste un vestige d’une ancienne tour des Templiers. Les lieux sont ainsi chargés d’histoire. Pour optimiser le potentiel et la configuration, les propriétaires ont choisi de poursuivre leur collaboration avec Juliette Rubel, qui avait déjà conçu le premier Maslow, quai de la Messagerie. L’enjeu de Juliette Rubel avec son concept est de conjuguer passé et contemporanéité tout en sublimant les espaces imaginés et la cuisine. Une architecte punchy Juliette Rubel aime les univers colorés et les ambiances pop lumineuses. Elle joue la carte de l’intensité : murs, rideaux, mobilier, tout vibre au rythme d’un rouge profond qui sculpte l’espace et imprime une forte identité visuelle. Cette dominante chromatique s’adresse autant au palais visuel qu’à l’émotion. 3 niveaux, 3 ambiances L’architecte joue avec les trois niveaux de l’établissement à la structure Eiffel, et sublimé par une verrière majestueuse, pour créer trois ambiances. En entrant, au rez-de-chaussée, les hôtes traversent deux premières salles qui, dotées de miroirs au plafond, semblent plus grandes qu’elles ne sont. Puis, l’effet waouh… En pénétrant dans la troisième salle, on bascule dans une autre dimension. Le volume de cette salle de 11 mètres de haut est encadré par deux coursives métalliques Eiffel. De cet espace, on bénéficie d’une vue sur les différents niveaux. La pièce maîtresse des lieux est un lustre monumental de 9 mètres de haut qui capte la lumière et se reflète dans les surfaces miroitantes. On a la sensation de se retrouver au centre du chapiteau d’un cirque. Au rez-de-chaussée, les clients sont plongés dans une ambiance de brasserie parisienne avec des banquettes rouge bordeaux, un bar majestueux et des miroirs inclinés qui renvoient la lumière. Au premier étage, on découvre un espace plus lounge, avec un comptoir en marbre et des tabourets hauts. Le comptoir monumental de 19 mètres en marbre Levanto Rosso fait le tour de la coursive ; 26 places assises face à face bénéficient d’une vue surprenante sur l’effervescence de la grande salle du rez-de-chaussée. Au second étage, le Graal Bar invite à découvrir les cocktails maison sous l’immense verrière Eiffel. Plus intimiste, il est habillé de rideaux en PVC rouge brillant créant des reflets avec la lumière du lustre. Pour mobilier, on a des assises informelles en banquettes et des tables basses.

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