Parcours

«Je vœux»

Par Atelier Martel, le 15 juillet 2024.
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Galerie de Pharsale, Château d’Ancy-le-Franc, Architecte Sebastiano Serlio, 1546 Peinture murale attribuée à l’Ecole de Fontainebleau, Niccolo dell’Abate, Ruggiero de Ruggieri, Nicolas de Hoey.

Engagé·es en faveur de la création contemporaine, nous souhaitons, chez Atelier Martel, nous inscrire dans la tradition millénaire des liens entretenus entre art et architecture, et ainsi proposer un accès à l’art contemporain à tous·tes les usager·es de nos bâtiments. En effet, le lien entre art et architecture est ancré au cœur de l’histoire de l’art et des techniques. Il est également marqué par une évolution du statut de l’artiste, par une fluctuation de la porosité disciplinaire entre arts et architecture au fil du temps, et par un changement progressif des destinataires de ces œuvres conçues en contexte architectural. De la haute antiquité à l’époque contemporaine, l’histoire de l’art atteste de la constance des compagnonnages entre artistes et architectes : statues, bas-reliefs ou fresques des âges antiques, médiévaux ou renaissants, explorations modernistes et post-modernistes de l’œuvre totale ou des panneaux monumentaux, jusqu’aux développements multiformes de l’art d’aujourd’hui. Ces œuvres font corps avec les bâtiments, séquencent les parcours, jouent avec la structure, se fondent dans les modénatures, exploitent les volumes. Si le mouvement moderne des années 1940 réinterroge cette fusion des arts et la place de l’ornementation, les expérimentations artistiques urbaines récentes reviennent sur le devant de la scène et s’inscrivent pleinement dans les questionnements relatifs à la place de l’art dans ces nouvelles urbanités, et de son lien avec les habitant·es, destinataires de ces œuvres. Au cours de cette histoire occidentale des relations entre art et architecture, les agencements et conventions qui régissent les relations entre artistes et architectes ont contribué à modifier la place des destinataires de ces œuvres. Après « l’art pour les Dieux » avec des œuvres commandées par et pour des dévot·es et institutions religieuses, et après « l’art pour les Princes » qui voit la commande d’œuvres par et pour des connaisseur·euses et des puissant·es, on assiste à l’avènement de « l’art pour le marché » qui réinterroge les destinataires des œuvres mais continue de se placer du côté de certaines élites, notamment économiques (Gilles Lipovetsky et Jean Serroy).

↑HABITER ET SOIGNER À DOMMARTIN-LES-TOUL
L’artiste Mayanna von Ledebur est intervenue pour la maison d’accueil spécialisé (pour épileptiques) de Dommartin-lès-Toul (2015) pour en « adoucir » les parois de béton par une matrice de coffrage – libre interprétation des inscriptions de stèles mésopotamiennes, première mention de l’épilepsie dans l’histoire écrite – et tisser une longue fresque en tapisserie de laine découpée en panneaux concourant à la signalétique et à amortir les chocs éventuels des patients.

Dès lors, quelle place peut-on, en tant qu’agence d’architecture, donner aux habitant·es et usager·es des bâtiments au sein desquels sont installées les œuvres pérennes que nous concevons ? En défendant une idée de l’art pour tous·tes, qui se traduit par la volonté de permettre un accès à l’art contemporain au plus grand nombre, nous avons fait le choix de considérer les habitant·es comme les premier·es destinataires de ces œuvres nourries par notre architecture et qui la nourrissent en retour. Les œuvres que nous soutenons et réalisons ont ainsi pour raison première d’exister le lien qu’elles entretiennent avec celles et ceux qui parcourent au quotidien les bâtiments au sein desquels elles sont installées. Nous défendons la réalisation quasi systématique d’œuvres d’art pérennes au sein de nos ouvrages architecturaux (aussi bien dans des écoles, des logements que des institutions hospitalières) qui prennent en compte l’expérience usager·e et développent, lorsque possible, une démarche participative via notamment des permanences artistiques pour accompagner la réalisation de ces œuvres. En prenant en compte les expériences quotidiennes des espaces par les différent·es usager·es des lieux, nous entendons proposer à ces dernier·es de devenir à la fois les spectateurs·rices et les destinataires premier·es de ces œuvres collaboratives. Dans la lignée des travaux de Michel de Certeau, les collaborations artistiques que nous déployons et les œuvres qui en résultent sont des incitations à revaloriser notre rapport quotidien et expérientiel aux espaces.

© Jad_Sylla_Photography

HABITER SAINT-OUEN
Pour la résidence d’étudiant·es-ingénieur·es Supméca, qui servira de résidence pour les athlètes pendant les jeux Olympiques, l’artiste Julien Serve s’appuie sur les représentions de l’athlète antique qui recherche l’harmonie parfaite entre le corps et l’esprit.
Sur l’ensemble des sept niveaux de la résidence, les sept œuvres mettent en scène l’interaction entre la figure imbriquée du cercle et du carré – référence à l’homme de Vitruve de Léonard de Vinci – et celle des corps en mouvement.

Finalement, s’il s’est souvent agi de placer des œuvres, avec complicité, dans des bâtiments déjà largement définis, nous chercherons quant à nous davantage à placer l’artiste au sein de notre équipe de maîtrise d’œuvre, ce cœur de la fabrique du monde construit, à un stade où le bâtiment est encore largement indéfini : projet architectural et projet plastique s’élaborent alors en parallèle, par itération, les concepts se cherchent, se rencontrent, s’adaptent l’un à l’autre dans leur traduction matérielle et dans leur mise en œuvre, pour ne plus faire qu’un dans le bâtiment construit. Nous développons ainsi une démarche singulièrement engagée en faveur de la création contemporaine, de la rencontre avec les territoires et les usager·es, et de la valorisation des savoir-faire des entreprises et des ouvrier·es du bâtiment. Les habitant·es se trouvent ainsi au cœur de notre démarche : iels sont aussi bien la raison de la commande, les déclencheurs·euses de nouvelles méthodes de travail participatives et consultatives, et les destinataires actifs·ves d’une œuvre dont iels pourront décider, au fil du temps, de la place quotidienne qui lui sera accordée. Entre 2007 et 2023, ce sont quinze collaborations qui ont été entamées sous l’égide du programme de collaborations Art / Architecture d’Atelier Martel.

Et nous les espérons encore nombreuses à l’avenir !

↑HABITER PARIS XVIIIe
Pour cet ensemble immobilier Julien Serve a imaginé « notre jardin » une œuvre qui se développe sur l’intégralité du rez-de-chaussée, sous la forme d’un pavage de la cour, et d’une matrice de coffrage du mur qui sépare de la parcelle voisine.
L’intervention consiste à transposer des éléments faisant référence à un patrimoine architectural et ornemental palatial dans un cadre quotidien. Le projet convoque ainsi deux références (Versailles et l’Alhambra), dans lesquels l’artiste identifie des motifs ornementaux qu’il réinterprète et adapte dans le projet.

 Atelier Martel est né en 2009 dans la rue éponyme du 10e arrondissement de Paris. Les architectes Marc Chassin, Stéphane Cachat et Laurent Noël décident de s’y regrouper au sein d’une même entité et de participer à l’élaboration de projets communs. Basant sa pratique sur une idée de production collective et interdisciplinaire, Atelier Martel définit sa production à travers son engagement dans la dimension sociale de l’architecture et sa capacité d’expression artistique et culturelle.

 

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    Atelier Martel

    8 bis, rue d’Annam

    75020 Paris

    Tél. : +33 (0)9 63 20 87 57

    www.ateliermartel.com

    Retrouvez cet article dans le nda numéro 55
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    Je Vœux…

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    Architecture un lieu

    Café Nuances : le café sous toutes ses formes et… nuances

    Par Nat Lecuppre, le 19 juin 2023
    Après sa première boutique, rue Daniel Casanova dans le premier arrondissement, le Café Nuances inaugure sa seconde adresse à Saint-Germain-des-Prés. Le concept de l’architecture intérieure est signé par le collectif pluridisciplinaire Uchronia. Lieu dédié aux aficionados de caféine Les architectes designers ont imaginé un lieu dynamique, festif, aux allures de boule à facette. Le coffee-shop est ouvert sur la rue afin de favoriser un take-away. On peut y savourer le café sous diverses formes (expresso, latte, flat white…) mais aussi avec des recettes originales (à la rose, au miel de châtaignier…). Des pâtisseries aux influences américano-nippones sont proposées (cookies matcha-chocolat blanc, banana bread ou cake au citron et pavot). Dans l’espace boutique, on peut acheter du café mais aussi des mugs, des goodies Café Nuances, comme des briquets au logo de la maison. Six types de cafés sont présentés, dont la torréfaction se fait à Paris pour une meilleure qualité des arômes. Une signature architecturale Comme toujours, on retrouve les ambiances adorées par Uchronia. À savoir un mobilier coloré et une scénographie singulière voire psychédélique. Les murs sont revêtus de mosaïque miroir et de laque couleur mandarine où se reflète le plafond aux couleurs de l’arc-en-ciel. Une boule disco rythme l’espace en faisant rayonner la lumière. Les architectes ont joué avec la configuration des lieux, des matières et des coloris. L’architecte d’intérieur Julien Sebban d’Uchronia précise que la mosaïque en dégradé à l’entrée fait écho aux murs, tout en reflétant l’histoire du quartier. Les couleurs saturées, le comptoir en acier inoxydable et le plafond rayé propulsent les visiteurs de la rue dans l’espace grâce à sa perspective exagérée. Uchronia réinvente les lieux avec de nouveaux codes d’architecture intérieure et Café Nuances sublime l’art du café. À visiter sans plus attendre pour déguster une des recettes originales.
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    Architecture, l'esprit du lieu

    Cartier à Bruxelles réenchanté

    Par Nat Lecuppre, le 14 avril 2025
    Le Studio Friedman & Versace, créé par Virginie Friedmann et Delphine Versace, a la particularité de concevoir des lieux d’art de vivre uniques. Tout récemment, le duo a écrit une nouvelle page de Cartier en redonnant une nouvelle vie à la boutique de Bruxelles. Ode à la Belgique. Dans ce projet, le studio d’architecture met à l’honneur la Belgique et le surréalisme. Les lieux imaginés sont une invitation à la rêverie et au monde fantasmagorique. L’art et la nature sont réunis. Les peintres belges tels que Louis Van Lint retranscrivent en peinture les émotions ressenties au contact de l’espace naturel, tandis que des références comme Victor Horta et ses motifs végétaux sont également présentes dans ce projet. Artisanat d’art et écoresponsabilité. Le Studio Friedman & Versace métamorphose les lieux en un bijou d’artisanat d’art écoresponsable. En fait, toutes les techniques écoresponsables sont mises en œuvre avec les artisans qui ont collaboré. La boutique est un véritable parcours artistique et féérique. On découvre en premier un tableau poétique sur l’éclosion avec les fleurs brodées inspirées des créations Cartier de Laurentine Perilhou. Elle utilise pour celui-ci la technique du macramé. Ensuite, un second espace lève le voile sur un bas-relief reprenant l’emblème de la maison, la panthère. Elle est représentée dans les serres Royal de Laeken. Les artistes Blundell & Therrien utilisent la technique de Gaudi, à savoir le papier maché. Sur un mur dédié aux créations horlogères, Antonin Lamoot reprend la technique du guillochage pour symboliser les cadrans des montres Cartier. Son interprétation lyrique du changement des saisons est valorisée dans un tableau contemporain et graphique voire surréaliste. Une porte en vitrail courbée signée Raphaëlle Collette ouvre sur un salon privé. La source d’inspiration est le jardin des Ursulines. Pour sa réalisation, deux techniques sont utilisées : le sertissage au plomb et la technique Tiffany. Le salon expose un lustre en verre qui constitue un clin d’œil à la canopée et son feuillage. Au sol, les artisans italiens de la société Flooma ont imaginé un plancher aux motifs de nénuphars en bois durable. Les créations de la maison sont des sources d’inspiration, comme les corniches qui rappellent le bracelet Tutti Frutti de 1925. La façade du bar de l’Atelier Tollis est semblable à un puzzle en céramique. Le décor floral et végétal évoquant le ruissellement de l’eau est le résultat de la technique des émaux cloisonnés des Céramiques du Beaujolais. Allant jusqu’au bout d’une démarche environnementale, le Studio Friedman & Versace a mis l’accent sur des matériaux écoresponsables ainsi que locaux. On a donc les textiles de la maison Luc Druz, du staff de l’entreprise Gesso, des revêtements muraux d’Omexco. Les tapis sont en fibre recyclée (econyl), la marqueterie est de bois certifiés FSC, le sol du jardin d’hiver est en briquettes recyclées de poudre de pierre… Les lieux sont une véritable vitrine d’exception des métiers d’art. Ils subliment l’art, la nature et le savoir-faire. Ils vous transposent dans un univers poétique et harmonieux made in Belgium. Ce projet vient compléter la liste des réalisations prestigieuses du Studio Friedman & Versace.
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    MBL mène toujours l’enquête

    Par Anne-Marie Fèvre, le 22 janvier 2024
    Très fouineurs, les architectes Sébastien Martinez-Barat et Benjamin Lafore ont bien investigué. En 2023, à Paris, ils mettent leurs élucidations en pratique, avec la reconversion de l’îlot haussmannien de l’APHP. On les a d’abord repérés à fureter un peu partout en France. À la revue Face b, avec Aurélien Gillier, où ils écrivent. À partir de 2015, on les suit à la Villa Noailles, où ils inventent des expositions aux sujets peu étudiés, comme les skateparks et les boites de nuit. On les retrouvera lors de la reconversion en cours de La Main Jaune à Paris. Les jeunes architectes Sébastien Martinez-Barat et Benjamin Lafore intriguent. Entre pop culture et radicalisme italien, un peu dandy un peu hardis, ils affirment leur volonté de participer à un débat sur l’architecture, qu’ils abordent « comme une recherche, une enquête ». Sébastien-Barat écrit : « En architecture on ne sait rien, notre savoir de réserve ne nous donne pas de longueurs d’avance… L’enquête dessine une trajectoire non linéaire, imprévisible et faite d’allers et retours. » Elle est la condition de la pensée éclectique qu’ils adoptent ; l’éclectisme serait « l’expres­sion d’une enquête bien menée »1. Ronds-points C’est peut-être parce qu’ils ont vécu dans des cités pavillonnaires, du « vernaculaire industriel », que ces deux jeunes larrons, nés en 1983 à Toulouse, vont « se reconnaître » à l’école d’architecture de la Ville rose autour d’une vision architecturale et urbaine peu enseignée. Comme les ronds-points et lotissements. Pas dans un culte d’une banalité esthétisée si prisée, mais dans un rapport au réel, au quotidien, avec sincérité. Puis ils « montent » à la capitale pour poursuivre leurs études à Paris-Malaquais dont ils seront diplômés en 2008. Ils font un stage chez l’artiste Mathieu Mercier, plutôt que chez un architecte. Avec lui, ils se frottent à la précision de l’objet, et la culture de l’exposition. Les MBL sont en rupture avec le dogme moderne, la politique des auteurs, les styles formels des œuvres de démiurges. Ils regardent du côté de l’architecture non construite, des super-architectures radicales des Italiens des années 70. Ils appartiennent à une génération en rupture économique, sociale et climatique. Une remise en cause qui les confronte à de petits projets, aux détails de l’existant, à la rénovation. Pour retrouver les qualités de ce déjà-là. En 2013, Martinez-Bart et Lafore fondent MBL architectes à Paris. En 2014, lors de la 14e Biennale d’architecture de Venise, ils « retournent notre regard » au Pavillon Belge, avec « Intérieurs. Notes et Figures » : des relevés des décors banals de maisons et d’appartements en Belgique. En 2016, à la Villa Kujoyama de Kyoto, ils étudient les folies, « l’architecture brève et explicite » comme autant d’« hypothèses d’architectures ». Cette même année, ils sont lauréats des Albums des jeunes architectes et paysagistes, du ministère de la Culture. Ils savent se placer à de drôles d’endroits pour des rencontres, aux bons moments. La mer construit En 2022, ils capitalisent leur démarche buissonnière à Bordeaux, avec une exposition conséquente à Arc-en-Rêve, « Impasse des Lilas ». Un lieu générique, il y en a 841 en France ! Ils y explorent ce territoire « ni ville ni campagne », la propriété

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