Architecture, l'esprit du lieu

Les belles demeures ont toujours le vent en poupe

Par Nat Lecuppre, le 20 janvier 2025.
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© Reto Guntli & Agi Simoes

D’après une étude OpinionWay menée fin avril-début mai 2024 auprès de 421 répondants (Belles Demeures) ayant un projet d’acquisition ou de vente d’un bien de prestige d’ici deux ans, on peut confirmer que l’immobilier de luxe ou de l’ultra-luxe séduit toujours autant.

Belles Demeures, filiale du Groupe SeLoger, est spécialiste de l’immobilier de prestige. Près de 500 000 annonces de biens d’exception sont mises sur leur site qui compte environ 700 000 visiteurs par mois.

Malgré un contexte économique difficile, le luxe séduit toujours autant en France. Le marché immobilier du luxe français connaît une croissance de 2,3 % pour les maisons et 1,1 % pour les appartements en moyenne par an. A contrario du marché traditionnel où les maisons marquent une baisse de 1 % pour les maisons et 3 % pour les appartements. Ceci peut s’expliquer par le faible impact de la hausse des taux d’intérêt qui ne concerne pas véritablement la clientèle premium.

À Paris, cette différence entre le marché traditionnel et le marché du luxe se ressent. En deux ans, les biens « classiques » ont vu baisser leurs prix de 12 % avec un tarif de 10 000 € / m2. Tandis que les appartements de luxe augmentent de 2,5 % pour un prix médian de 17 441 € / m2 soit environ 1,7 million d’euros, allant même jusqu’à 4,2 millions d’euros pour l’ultra-luxe.

Rive gauche, des arrondissements comme dans le 7e enregistrent un prix médian de 3,9 millions d’euros soit + 5 % sur deux ans, + 2,1 % dans le 6e, + 1,9 % dans le 16e. Ce dernier détient 30 % des offres du marché de l’ultra-luxe parisien pour un prix médian de 4,7 millions d’euros.

En 2023, Knight Franck réalise une année positive pour l’utra-luxe avec des transactions à Paris entre 50 M€ et 80 M€ (prix moyen 30 400 € / m2). 42 % des ventes concernent les hôtels particuliers, 75 % des ventes pour les biens avec espaces extérieurs, et 56 % des ventes pour les clés en main (« turnkey properties »). Les acheteurs sont majoritairement asiatiques et américains. Ces informations sont confirmées par Sébastien Kuperfis, président de Junot Fine Properties – Knight Frank.

On pourrait se dire que tout va bien. Il n’en est pas de même pour les maisons luxueuses d’Île-de-France (Yvelines et Hauts-de-Seine). Leur prix médian de 1,3 ou 1,4 M€ notent une baisse de 5,1 % et 3,2 % sur un an. Seul Neuilly-sur-Seine avec ses hôtels particuliers propose un prix médian de 5,7 M€.

Pourquoi cette dissonance avec la ville de Paris ? En fait, les acheteurs pour une maison de luxe en Île-de-France sont français, et souvent ils doivent demander un crédit pour acheter un bien. La multiplication par deux des taux d’intérêt en deux ans est donc le critère qui fait chuter les ventes. Confirmation de Thomas Lefebvre, vice-président Data chez Belles Demeures.

L’immobilier de prestige a encore de beaux jours devant lui, surtout en région. Les territoires les plus dynamiques sont la Côte d’Azur (départements 06, 83, 13) avec les maisons luxueuses les plus chères de France, la côte ouest face à l’Atlantique (départements 64, 40, 33, 17, 85 et 44) et en Normandie (départements 14 et 76). La Provence a connu des prix de + 7,2 % en un an, et les Alpes (départements 73, 74 et 38) + 8,1 %.

Le clé en main attire de plus en plus. En plus du critère géographique, l’absence de travaux devient un facteur important pour un achat. 60 % des acheteurs recherchent un bien clé en main, et 60 % sont mêmes prêts à payer plus cher dans ces conditions. Sébastien Kuperfis, président de Junot Fine Properties – Knight Frank ajoute même : « En 2024, une forte demande d’acheteurs du Moyen-Orient et d’Asie sont prêts à dépenser plus de 100 M€ pour des biens historiques et clé en main. »

Cette étude permet de faire un peu d’architecture comportementale et de comprendre pourquoi, dans telle ou telle région, on découvre des biens plus ou moins prestigieux. Cela nous permet également de comprendre les oscillations de prix sur tout le territoire.

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    Archi Culture

    La Casa R, élégante, épurée et recherchée

    Par Sipane Hoh, le 5 juillet 2024
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    Par Sipane Hoh, le 4 novembre 2025
    C’est un exceptionnel espace de contemplation qui a pris place au sein de Vitra Campus à Weil am Rhein. Il s’agit de Doshi Retreat, une réalisation qui résulte d’une collaboration entre l’architecte Balkrishna Doshi, sa petite-fille Khushnu Panthaki Hoof et son mari Sönke Hoof. Le premier projet du lauréat du prix Pritzker 2018 Balkrishna Doshi, ayant été réalisé en dehors de l’Inde ainsi que la dernière conception à laquelle il a travaillée avant sa mort en 2023 vient d’être révélé. À la croisée entre architecture et Land art, sculpture et espace public, ce lieu aussi secret que discret propose au visiteur un parcours paysager sinueux, doublé d’interstices fastueux. Le visiteur vagabonde au sein de ce géant tortueux aux couleurs de terre à travers un parcours sensoriel fluide qui s’inspire de la spiritualité indienne et invite à une révélation empreinte de quiétude. Pour réaliser un tel exploit, il a été opté pour un acier XCarb®, un matériau innovant à faibles émissions de carbone, fabriqué à partir d’une forte proportion de ferraille et produit entièrement à partir d’énergies renouvelables. Toujours à la pointe des nouveautés et à la recherche de l’inattendu, le Vitra Campus se perfectionne. En témoigne cette dernière pièce du puzzle, une composition surprenante en harmonie avec le paysage environnant, qui mène jusqu’aux tréfond de la terre et procure un sentiment de transition, la Doshi Retreat le projet qui impressionne tout visiteur.   « Cette architecture est née d’un rêve de Doshi de deux cobras entrelacés. Cette vision du subconscient a fait naître un récit écrit, puis une conception esquissée comprenant des notes et des évocations. Cela s’est ensuite transformé en une invitation à s’embarquer pour un voyage de découverte. » souligne Khushnu Panthaki Hoof.   Grâce à un système audio intégré dans le sol, une succession de sons de gong et de flûte viennent accentuer l’expérience sensorielle. La salle de contemplation constitue le clou du spectacle où prennent place deux larges bancs de pierre semi-circulaires et un gong. C’est ici que, sous un plafond partiellement fermé, orné d’un mandala en laiton martelé à la main et réalisé en Inde que se termine le voyage pour recommencer un autre, plus spirituel et tout aussi divertissant. Dans un campus où foisonnent architecture, art et design, Doshi Retreat constitue un joyeux interlude qui invite à l’exploration !
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    Son nom de Grand Rex en or

    Par Anne-Marie Fèvre, le 1 avril 2024
    Du blanc, du noir et du doré comme en 1932 ! Avec sa façade réinterprétée, le mythique cinéma Art déco parisien retrouve subtilité et luminosité. Visite éclairante avec l’architecte Grichka Martinetti. Pour les Parisiens de toutes générations, c’est une énorme madeleine en staff et étoiles où ils ont croqué films et spectacles enchanteurs. C’est le Grand Rex ! En flânant sur les Grands Boulevards, on a pu constater que ce palais du IIe arrondissement, tout dédié au cinéma depuis 1932, a été embelli en décembre 2022, il fêtait ses 90 ans. « Mon client, c’est le bâtiment », affirme l’architecte Grichka Martinetti 1, qui a été chargé avec Stéphane Thomasson 2 de la mue extérieure du temple Art déco. Bien sûr, il a œuvré pour Alexandre Hellmann, directeur général de ce complexe de cinéma-divertissement-culture et avec l’équipe du Rex. « Nous ne sommes intervenus que sur la façade, précise -t-il, et nous avons assuré l’étanchéité déficiente des toitures. » Au départ en 2020, il n’était question que d’un ravalement. Frustrant. Mais comme la façade a été inscrite aux Monuments historiques par Jack Lang en 1981, il a fallu jouer entre la Drac qui avait son petit mot à dire et un projet privé. Devant ce patrimoine du XXe siècle, un « syncrétisme » maintes fois retouché dans les années 50, 70, bien trahi dans les années 80, les architectes se sont d’abord interrogés. Est arrivé le Covid. « Nous avons profité de cet arrêt de notre travail pour faire un diagnostic, explique Grichka Martinetti, pour mener une étude patrimoniale. Nous avons consulté les nombreuses archives numériques des années 20 et 30, 50, en 70. Il y a beaucoup de photos du Rex, des documents noir et blanc, puis en couleur à partir de 1941. » Grichka, qui a vu là les films Disney dans son enfance, s’est plongé avec délectation dans une enquête. Dans l’histoire. Dans les Années folles de 1926, l’irrup­tion du cinéma sonore et parlant entraîne la construction ou la mutations de théâtres en cinémas, tel le Gaumont Palace à Paris (détruit en 1973). C’est alors que Jacques Haïk, ancien distributeur de Charlot dont il a inventé le nom, importateur de films américains, propriétaire du Colisée et de l’Olympia, envisage de créer l’un des cinémas les plus grands et les plus innovants d’Europe à Paris. Il en confie l’édification à l’architecte français Auguste Bluysen, un styliste Belle Époque, auteur des deux tours de la biscuiterie LU à Nantes en 1909 et du casino du Touquet. Et tourné vers l’Amérique, il fait aussi appel à l’Américain John Eberson, auteur du Majestic Theatre à Houston (1923) qui illustre en premier son concept de salle « atmosphérique ». Ils vont s’inspirer du Radio City Music Hall de New York. En construisant, ces deux bâtisseurs vont synthétiser une architecture à la fois rationnelle et très décorée, avec des éléments navals et médiévaux, en donnant une place prépondérante à la lumière. Structure en acier, charpente remplie de briques, éléments de béton coulé se mêlent aux fresques et aux ornementations. Ils inventent la modernité Art déco en France, le

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