Urbanisme

Vivre ensemble et durable

Par Nat Lecuppre, le 8 juillet 2023.
Image
DR

Afin de mieux comprendre l’évolution de l’immobilier com­mercial, nous avons rencontré Anne-Sophie Sancerre, directrice ­générale Europe du Sud d’Unibail-Rodamco-Westfield (URW).

Portrait de Anne-Sophie Sancerre — Unibail Rodamco Westfield

Portrait de Anne-Sophie Sancerre. DR

URW est une multinationale française cotée comptant parmi ses actifs les centres Westfield, les 4 Temps, le Forum des Halles (récemment rénové), Vélizy 2, Rosny 2, Parly 2, Euralille, la Part-Dieu et Carré Sénart, entre autres. Depuis les différents confinements et la pandémie, le secteur de l’immobilier commercial, après des mois d’immobilisation, a repris et connaît une mutation accélérée. Découvrons le point de vue d’Anne-Sophie Sancerre.

NDA. Depuis ces deux dernières années, quels sont les changements que vous avez pu constater dans le secteur de l’immobilier commercial ?

Anne-Sophie Sancerre : Nos centres se sont adaptés aux mutations du commerce. Ils sont devenus des lieux multifonctionnels, des lieux du vivre-ensemble. Ils vont au-delà du shopping. Ils répondent aux besoins des consommateurs, avec notamment la montée en puissance de la restauration et des loisirs, le développement de services, comme les centres de santé ou les crèches, et même les logements ou les bureaux. Depuis l’accélération de l’online avec le Covid-19, l’omnicanalité fait aujourd’hui partie intégrante de la stratégie des marques, qu’elles soient digital natives ou traditionnelles. Le commerce physique et le commerce en ligne sont complémentaires. Si les marques réduisent le nombre total de points de vente, elles investissent en revanche davantage dans leurs « flagships », dans les centres URW, car ils sont essentiels pour leur image de marque et font partie intégrante de leur stratégie omnicanale. Nous sommes le partenaire de choix des marques qui recherchent des lieux d’exception pour ouvrir leur concept store.

NDA. Les projets sont de plus en plus hybrides, mixtes et font partie intégrante de la vie des quartiers et de la ville. Comment évolue votre actif et quels sont vos projets ?

A.S.S. : Tous nos projets de développement ou de restructuration sont conçus dans une logique d’usages mixtes. Nos centres en Europe sont tous dans des zones urbaines denses et s’inscrivent dans une logique de régénération urbaine. Les Ateliers Gaîté en sont une belle illustration. La transformation de Montparnasse constitue l’un des plus ambitieux projets d’aménagement urbain de la capitale. Les principaux objectifs du projet étaient de réaménager l’espace public, de redonner de la qualité architecturale au quartier et de créer une nouvelle destination urbaine mixte au cœur de la capitale, le tout ouvert sur la ville dans des espaces chaleureux et dans l’air du temps.

Ces projets de grande ampleur dessinent les villes durables de demain. C’est le cas aussi à Londres ou à Hamburg. Ouvert en 2008 sur une ancienne friche industrielle nécessitant une restructuration urbaine, Westfield London a contribué à redessiner le paysage commercial de Londres et le centre continue de se densifier avec 1 700 appartements dans un quartier urbain et piéton qui comprend 10 acres supplémentaires d’espaces verts et un centre de loisirs.

En Allemagne, le Groupe collabore étroitement avec la ville de Hambourg pour transformer un ancien site industriel de 6,7 hectares en une destination innovante au bord de l’eau, avec un large panel d’enseignes locales et internationales, de restaurants et de divertissements, ainsi que plus de 650 nouveaux appartements et 48 000 m² de bureaux (qui attireront plus de 4 000 nouveaux employés hautement qualifiés dans la région). Pour soutenir le tourisme de la ville, le projet comprend un nouveau terminal de croisière et trois grands hôtels internationaux. Le projet prévoit également d’importants investissements dans des infrastructures municipales, dont la connexion au réseau de transport public avec une nouvelle gare ferroviaire souterraine, des espaces verts extérieurs spectaculaires et une multitude d’installations artistiques, culturelles, à destination des habitants du quartier.

NDA. Deviendrez-vous de plus en plus un acteur incontournable dans l’urbanisme ?

A.S.S. : Le groupe Unibail-Rodamco-­Westfield est un acteur au savoir-faire unique pour la régénération urbaine, en termes de qualité environnementale, de mixité d’usage, de qualité de vie pour les habitants, travailleurs et visiteurs des quartiers. Nous sommes depuis longtemps à l’avant-garde de la création de « destinations urbaines », qui réunissent en un seul et même lieu du shopping, des restaurants, des bureaux, des logements, des centres de santé et de bien-être. On y trouve également une grande offre de divertissements, des espaces récréatifs extérieurs, des parcs, des jardins et des espaces verts.

NDA. À l’heure de la sobriété énergétique, des bâtiments bas carbone… quel est votre positionnement ? Quelles sont vos actions ?

A.S.S. : Unibail-Rodamco-Westfield a annoncé dès mars 2022 lors de son Investor Day qu’il était bien positionné pour atteindre les objectifs – le Groupe s’est en effet engagé dès 2016 à réduire ses émissions de carbone de 50 % sur l’ensemble de sa chaîne de valeur d’ici 2030, dans le cadre de sa stratégie « Better Places 2030 ».

Le Groupe s’est aussi mobilisé très tôt dans le contexte de la crise énergétique en annonçant un plan complémentaire de sobriété énergétique effectif dès le 1er août 2022. URW s’est fixé un objectif de -20 % de consommation totale d’énergie pour la France, dont -15 % sur l’électricité en comparaison des consommations 2019.

Plusieurs initiatives complémentaires aux annonces du mois d’août ont été mises en place. Par exemple, le Groupe a signé la charte d’engagement EcoWatt porté par RTE et l’ADEME qui permettra de disposer du système d’alerte informant en temps réel sur le niveau de consommation d’électricité et les coupures de courant. Nous avons également travaillé avec nos commerçants autour d’une charte de sobriété énergétique qui vise à les rassembler autour de cet effort collectif, afin de faire face aux risques de pénurie d’énergie dans les mois qui viennent.

Enfin, nous avons annoncé en septembre dernier le lancement des travaux pour la création du premier label bas carbone pour l’immobilier de commerce avec BBCA. Ce label BBCA Commerce permettra d’attester de l’exemplarité d’un bâtiment de commerce en matière d’empreinte carbone, de la construction à l’exploitation. Ce partenariat avec BBCA signe une nouvelle étape importante de notre engagement à contribuer à la transition environnementale des villes.

NDA. Pour vous, comment seront le commerce et la ville de demain ?

A.S.S. : Au travers de nouveaux lieux du vivre-ensemble, durables et soucieux de l’environnement, qui offrent une expérience omnicanale (grâce à la convergence de l’online et du physique) et enrichie dans des lieux d’exception. Aujourd’hui plus que jamais, nous sommes un acteur contributeur d’un développement urbain qui est l’expression des transitions écologiques et sociétales. Nous nous attachons à façonner et embellir les villes dans lesquelles nous sommes implantés et à exercer une influence significative sur leur transition environnementale, les modes de vie, de travail, de consommation, d’interactions et de divertissement de leurs habitants.

Merci à Anne-Sophie Sancerre pour cet échange et partage.

Galerie d'images (11)
    Partagez cet article autour de vous
    Facebook
    Twitter / X
    LinkedIn
    Pinterest
    E-mail

    Unibail-Rodamco-Westfield

    7, place du Chancelier Adenauer
    CS 31622
    75772 Paris Cedex 16
    Tél. : +33 (0)1 53 53 74 37
    www.urw.com

    Retrouvez cet article dans le nda numéro 52
    Image

    Quartiers revisités, le renouveau

    Commander

    À découvrir
    Maison de santé de Liffol-le-Grand, Collectif studiolada
    Urbanisme

    Maison de santé de Liffol-le-Grand, un équipement nécessaire

    Par Sipane Hoh, le 13 décembre 2023
    Les architectes Éléonore Nicolas et Christophe Aubertin du Collectif Studiolada ont réalisé, à Liffol-le-Grand, un projet complexe qui se déploie en trois parties. Il en résulte une archi­tecture ancrée dans son territoire, à la fois innovante et essentielle. C’est un petit bourg français de grande renommée. En effet, la commune de Liffol-le-Grand, située dans le département des Vosges, est connue par son industrie du siège et du meuble de style. C’est donc dans un environnement rural et très caractéristique que les architectes Éléonore Nicolas et Christophe Aubertin avec Cécile Demilly comme chef de projet ont réalisé la Maison de santé. Afin de répondre à des besoins divers, cette dernière possède un programme conséquent qui regroupe quatre cabinets de médecins généralistes, un cabinet d’infirmier, un cabinet de dentiste, un autre d’ostéopathe, un cabinet de podologue, un local ADMR (réseau associatif pour service à la personne), un studio et une salle de réunion. La réalisation de la Maison de santé, souhaitée par la collectivité rurale, répond à la délicate problématique de la désertification des communes rurales, c’était donc un projet indispensable non seulement à la commune mais pour toute l’agglomération. D’ailleurs Christophe Aubertin nous raconte que le projet était lancé en 2015 car deux médecins partaient à la retraite, mais Studiolada ne pouvait pas commencer la réalisation avant de trouver les médecins volontaires, une tâche ardue qui montre la difficulté des localités rurales à attirer les emplois les plus essentiels. Aujourd’hui, la Maison de santé revit grâce à la volonté de tous les acteurs. Un joli clin d’œil à l’artisanat À Liffol-le-Grand, l’intervention du Studiolada est significative. L’ensemble, composé de trois parties vient d’entamer sa mue. Tandis que le premier bâtiment a subi une minutieuse réhabilitation, la nouvelle extension tranche avec l’existant et se pare, de la façade jusqu’au toit, d’une vêture en zinc. Les deux entités sont liées par une faille transparente où une petite allée en pierre fait le lien avec d’un côté la place d’Armes et de l’autre le parvis de l’hôtel de ville. Cependant, l’une des particularités de ce projet réside à l’intérieur où les architectes ont réalisé de grands claustras faits de lattes d’épicéa, tissées selon la technique du cannage traditionnel, séparant les salles d’attente du hall. Un joli clin d’œil à l’artisanat et au savoir-faire de la commune. Rappelons que les essences utilisées sont locales. Les architectes ont pris très à cœur la notion de durabilité en se servant de diverses variétés. « À l’agence on travaille beaucoup le bois et on aime évoquer la diversité des forêts » déclare Christophe Aubertin qui précise qu’ils affectionnent également le bois simple non transformé et les petites lattes faciles à assembler pour réaliser des claires-voies. L’ensemble, qui a été déclaré lauréat du Prix National de la Construction Bois 2022 dans la catégorie Bâtiment Public ou Tertiaire, célèbre la tradition d’un savoir-faire remarquable et dote l’agglomération d’un projet primordial.
    Image
    Architecture, l'esprit du lieu

    Un spa pour devenir enfin palace ?

    Par Lionel Blaisse, le 18 novembre 2024
    N Le Spa conçu par ­Jean-Philippe Nuel pour Le Negresco va-t-il permettre au plus mythique cinq étoiles de la promenade des Anglais de rejoindre le club très select des palaces français ? Rien à voir avec les univers stéréotypés de ses confrères s’inspirant des bains de la Rome antique, des hammams du monde arabo-musulman ou des onsens nippons. Vous n’y entendrez pas davantage de flutes des Andes ni de sitars des Indes. Le Spa N s’est voulu tout aussi unique que le grand hôtel plus que centenaire qui l’accueille, joyeux mélange d’époques et de styles célébrant l’art de vivre à la française. Monstre sacré ou enfant terrible ? Commandité par Henri Negrescu – maître d’hôtel d’origine roumaine – et financé par un magnat français de l’automobile et de l’aviation, Le Negresco a été dessiné par Edouard-Jean Niermans, architecte du Moulin Rouge et du Casino de Paris ayant surtout rénové l’Hôtel du Palais à Biarritz et l’Hôtel de Paris à Monte-Carlo. De style plutôt néo-classique, ses toitures « rose Nina Ricci et Pierre Balmain » font alors sensation tout comme sa verrière éclairant le grand hall central appelé le Salon Royal. Il offre en revanche tout le confort de l’époque. Royalement inauguré le 8 juillet 1913, il devient hôpital militaire dix-huit mois plus tard pour soigner les blessés de la Grande Guerre. Quasiment ruiné à l’armistice, son propriétaire meurt en 1920 d’un cancer. Revendu à plusieurs reprises, le palace dépérit inexorablement jusqu’à son rachat en 1957 par Jean-Baptiste Mesnage – charcutier breton ayant fait fortune dans l’immobilier avec sa femme, alors en fauteuil roulant. Il en confie la gestion à sa fille Jeanne et son époux, Paul Augier, grand avocat et homme politique niçois. Contrairement à bon nombre d’hôtels niçois alors morcelés en appartements, Le Negresco choisit de s’embellir, Jeanne Augier l’enrichissant d’antiquités, de tableaux de maîtres et de sculptures parfois monumentales, d’œuvres d’art contemporain mais aussi de commandes spécifiques tels les sept tapis de Raymond Moretti qui côtoient dans le Salon Royal la Nana Jaune de Niki de Saint Phalle ou encore la moquette d’Yvaral. Le clou de cette collection de 6 000 pièces – couvrant cinq siècles d’histoire de l’art et généreusement dispersées dans le lobby, les salons et restaurants, les circulations, les 96 chambres et 21 suites – est sans nul doute l’emblématique portrait sur pied de Louis XIV peint par le peintre de cour Hyacinthe Rigaud dont les deux autres exemplaires sont exposés… à Versailles et au Louvre ! « Vous y vivrez l’accueil d’une très grande maison, expression d’un art de vivre à la française fait pour vous surprendre et vous ravir », aimait à dire la Dame du Negresco. Elle va le diriger jusqu’en 2013 après avoir mené deux ans durant une importante rénovation en vue de son centenaire. Après avoir été placé sous administration judiciaire dans un souci de protection de sa propriétaire, l’établissement est revenu, à son décès en 2019, au fonds de dotation Mesnage-Augier-Negresco qu’elle avait créé à cet effet dès 2009, appelé à devenir une fondation. Le 1er mars 2001, l’hôtel obtient le label Patrimoine du XXe siècle. Ses façades, ses toitures et son Salon Royal
    Image
    Urbanisme

    Quand Carpentras livre son histoire

    Par Lionel Blaisse, le 7 février 2025
    Décidément, Carpentras est une ville d’exception(s) qui se distingue à plus d’un titre. Tout récemment inaugurée, sa bibliothèque-musée L’Inguimbertine n’y déroge pas. C’est bien plus qu’un équipement culturel atypique, c’est un concentré d’histoire(s) de cette ancienne cité pontificale finalement plutôt méconnue mais qui mérite largement de ramener… sa fraise dans la période de doute actuelle. En effet, c’est également un exemple d’urbanité politique réaffirmant les vertus de l’humanisme au service du plus grand nombre ! Il était une foi(s). Sans remonter à l’avènement de la cité latine en 120 avant J.C., Carpentras est devenu en 982 un évêché du Comtat Venaissin, possession des comtes de Toulouse. Le traité de Paris de 1229 concluant la croisade victorieuse du roi de France contre les Albigeois obligea le comte de Toulouse Raymond VII, qui soutenait les hérétiques, à céder le Comtat Venaissin au Saint-Siège tandis que son comté serait annexé à la France. Il fallut attendre 1274 et 1271 pour que ces dispositions deviennent respectivement effectives. Dès lors, les évêques du Comtat – promus recteurs – administrent cet État pontifical dont le territoire s’étend entre le Rhône et la Durance, les monts du Vaucluse et le Ventoux. Carpentras en devient la capitale en 1320. Avignon s’y ajouta en 1348 à la suite de son rachat par le pape Clément VI à Jeanne 1ère, reine de Naples et comtesse de Provence, sa vassale. Paradoxalement plus clément… à leur égard que le royaume de France, le tout nouvel État pontifical vit les juifs s’y réfugier. Ils investirent un quartier de Carpentras où une première synagogue fut construite dès 1276. Plusieurs fois démolie et reconstruite, celle qui subsiste encore aujourd’hui (la plus ancienne de France en activité) date de 1741. Le trappiste Dom Malachie d’Inguimbert devient en 1735 archevêque de la cité comtale après avoir séjourné à Rome au service du très influent cardinal Laurent Corsini – futur pape Clément XII – dont il devint le confesseur et le bibliothécaire. De retour dans sa ville natale, il rapporte dans ses bagages sa propre bibliothèque et sa collection d’œuvres d’art. Dès 1745, il ouvre à ses paroissiens la bibliothèque-musée qu’il s’est fait construire. En humaniste adepte d’un esprit sain(t) dans un corps sain, il confie, cinq ans plus tard, la construction de l’Hôtel-Dieu à l’architecte Antoine d’Alleman, qui accueillera ses premiers malades en 1762, cinq ans après le décès de son bienfaiteur qui a légué ses biens à la ville. « Ses libérales mains ont laissé dans le Vaucluse le pauvre sans besoin, l’ignorant sans excuse », lit-on encore aujourd’hui sur le socle de sa statue érigée dans la cour d’honneur en 1858. Hospice, hôpital puis maison de retraite, l’Hôtel-Dieu restera en activité jusqu’en 2002, date à laquelle la municipalité le rachète. Autre particularité d’exception, Carpentras a échappé à la Terreur révolutionnaire, bien que les représentants de l’ensemble des communes comtadines aient voté en 1791 leur rattachement à la France. La Maison des Muses. Avec ses 10 000 m2 de surface, l’Hôtel-Dieu de Carpentras est un monument – classé dès 1862 – hors norme pour une ville d’à peine 31 500 âmes. Néanmoins, sa

    Laisser un commentaire

    10 − sept =