Urbanisme

Mutations de l’Architecture et mutations économiques

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Par Nat Lecuppre, le 28 avril 2025.
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© Stéphane de Sakutin

L’architecte urbaniste Anne Démians est un être d’exception dont les compétences sont pluridisciplinaires voire sans limites.

Anne Démians ne cesse de cumuler les prix, les médailles et les honneurs. Elle est entre autres, détentrice du Label IDI (immeuble à destination indéterminée), Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, Chevalier de la Légion d’Honneur, première femme à être élue à l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France. Tel un chevalier, elle brave les champs de bataille de l’architecture avec son fer de lance dressé. Elle trace un chemin à suivre… ou pas, selon vos convictions.

Pour Nda, il était inimaginable de ne pas lui poser des questions sur sa vision de l’architecture d’aujourd’hui et son devenir. On parle beaucoup de réversibilité dans les projets mais tous les bâtiments en font-ils l’objet ? Vers quelle architecture allons-nous et quels efforts sont faits dans ce sens ? Que préconiser ce jour pour le futur proche ? Quels sont les changements fondamentaux qu’elle préconise ? Comment revitaliser les villes ? Levons le voile sur sa vision de notre société et les vertus qui l’animent dans sa démarche de vie et architecturale.

Selon Anne Démians, l’architecture est un art d’usage mais aussi un art politique qui se dévoile à travers ses objectifs sociaux et environnementaux, c’est un art prospectif à travers l’imaginaire et les sciences, c’est enfin un art porteur de création de valeur économique. Pour elle, une pensée contemporaine et prospective pourrait se fixer comme objectif d’être une alternative à cette société du jetable, organisée exclusivement autour de tous les produits financiers à courte portée de l’immobilier dans lesquels s’inscrivent toutes les productions domestiques. C’est-à-dire les logements, les bureaux, les commerces et les services de proximité. Ce qui représente environ 80 % de la masse construite de nos villes. D’une durée de vie de quinze à vingt ans, ces ouvrages, mal pensés, sont souvent détruits et reconstruits, peu ou pas du tout adaptables aux grandes mutations urbaines et sociales en cours.

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    Conçue en pleine pandémie, la « cénographie » imaginée par le Studio Vaust pour le Jigi Poke – « faste-food » hawaïen en plein Mitte berlinois – fait preuve d’un dépouillement semblant invoquer « l’essence des choses » si chère à Brancusi ! Le studio créé en 2018 par David Kosock et Jœrn Scheipers embrasse sans hiérarchie l’architecture intérieure, le design d’objet et la direction artistique. Ils défendent une esthétique vibrante et brutaliste dont les juxtapositions inattendues font la part belle aux matériaux naturels ou industriels peu onéreux. Faim du monde ? Imaginer un lieu de partage culinaire exotique en plein confinement urbain, à l’heure où certains envisageaient déjà la fin de notre monde, tenait du paradoxe. Alors pourquoi ne pas étendre la distanciation physique, alors de mise, à l’imaginaire indigène ? Seule une très belle photographie noir et blanc d’un pêcheur polynésien assis sur un rocher « épuise » le cliché ! Si les plats proposés font l’éloge du nomadisme, le mobilier se l’interdit. Investissant la proue de ce pas de porte laissée brute de décoffrage, deux longues et larges tables en béton toutes aussi inamovibles que les blocs de pierre brute juste dégrossis faisant office de tabourets constituent un cénacle sanitaire. Quelques plots de bois à peine équarris ou sommairement taillés complètent les assises. Même les grands rideaux de lin immaculés suspendus à leurs tringles cintrées partitionnant l’espace, l’enduit ton pierre des murs ou le béton ciré du sol confèrent au lieu des allures de l’atelier de Constantin Brancusi dont les socles auraient été dépouillés de leur sculpture, à l’exception de l’étrange roche pivotant en lévitation dans la vitrine à l’angle de Rosenthaler et Linien Strasse ! C’est d’ailleurs elle qui constitue l’identité visuelle du restaurant. La dérive des condiments. Deux parallélépipèdes d’inox, dont la dérive semble être contenue par une angulaire cale en béton coulé comme en partie dévorée par les assauts climatiques, tiennent lieux de pôles commande et préparation des bowls et autres mets figurant sur la carte imprimée sur la paroi derrière la caisse. Juste un vitrage sépare le cuisinier de la clientèle. Le dais du faux-plafond intégrant l’éclairage et dissimulant partiellement l’enchevêtrement des gaines d’extraction théâtralise son aire de travail. Né de peurs ancestrales, de la hantise de l’invisible, ce décor de paradis perdu et aride suscite paradoxalement un sensuel et gourmand frisson mystique !
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    Un doux écrin de chocolat

    Par Nat Lecuppre, le 1 septembre 2025
    L’agence Label Experience a eu pour mission la réhabilitation du siège historique de Cacao Barry à Hardricourt (78). Pour mener à bien son projet et concevoir les espaces adaptés au métier de son client, il s’agissait avant tout de bien définir ses attentes. Un savoir-faire en héritage. Cacao Barry est l’une des marques du groupe Barry Callebaut, leader mondial de chocolat et de produits à base de cacao de haute qualité. Cacao Barry est l’un des premiers exportateurs de cacao au monde. Il accompagne depuis 1842 les chefs pâtissiers, les boulangers et les confiseurs. Depuis presque deux siècles, la maison ne cesse d’offrir des solutions techniques adaptées pour assister les chefs. Les enjeux étaient de concevoir une vitrine du savoir-faire technique et chocolatier pour accueillir les artisans et industriels venant de France ou de l’étranger. Le site devait refléter l’engagement de Cacao Barry pour l’innovation, l’excellence des saveurs, la durabilité et le soutien des chefs du monde entier. Label Experience a donc imaginé quatre espaces clés : l’espace événementiel pour l’accueil, le lounge, l’espace bar, et surtout le laboratoire de la marque Or Noir dédié à la création de chocolat sur mesure. Un univers organique et technique. Le site est entièrement dédié à l’identité du cacao. Il est une ode à l’or noir de la gourmandise. L’histoire du chocolat de la récolte à la création, l’innovation et l’héritage de la maison sont pris en compte. Un cadre premium est créé pour les plus grandes marques du monde. Les espaces conçus sont fluides et modulables. Configuration des lieux. Au rez-de-chaussée, à l’entrée, on trouve un comptoir de réception et un coin attente avec une banquette. À proximité, l’espace Expérience est constitué d’un lounge modulable avec des canapés aux formes géométriques. Cet espace événementiel se répartit en plusieurs sous-espaces. Il est composé d’un comptoir-bar avec un lounge modulable, d’une zone didactique sur l’histoire de Cacao Barry et d’une salle de créativité, dont une salle de créativité entourée de verre sablé. Au R+1 se trouvent les bureaux non compris dans le projet. Le R+2 accueille l’espace Laboratoire Or Noir et l’espace Chocolate Academy. L’Or Noir est dédié à la création de chocolat, permettant aux chefs et artisans d’explorer de nouvelles saveurs dans un environnement innovant et hautement technique. Ce laboratoire permet de repousser les limites de la créativité dans le domaine du chocolat, tout en mettant en avant l’expertise et le savoir-faire de Cacao Barry. L’Or Noir est un espace de travail haut de gamme. Plusieurs zones le constituent : une Meeting Room avec un espace lounge avec un écran TV incorporé dans une bibliothèque, une Tasting Room avec un comptoir haut et une carte gigantesque pour géolocaliser les producteurs de cacao, une Working Area, un espace avec cuisine et un orgue à cacao pour faire des tests de mélanges chocolatés. L’espace Chocolate Academy est dédié aux formations. Il est constitué d’un salon, d’un comptoir café, d’une salle de restauration et d’une salle de conférence. Une écriture RSE. L’engagement durable de Cacao Barry est mis en avant dans le projet. Les matériaux nobles et écoresponsables sont privilégiés. On a du bois, un bar en
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    Moi, canapé, diva des divans

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    Depuis le Moyen Âge, j’en ai vu de toutes les matières, couleurs, et formes ! En 2024, riche de mon long passé, je veux bien être indémodable et écolo mais ni patapouf ni standard, je veux rester exceptionnel et inventif. Histoire. Moi, canapé, j’ai connu tellement de transformations, de savoir-faire, de modes – ou pire de tendances – depuis mes origines ! Dans quel état j’erre en 2024 ? Mon histoire est si longue. Mon nom de canapé viendrait de « kônôp », « moustique » selon les Grecs de l’Antiquité. Moustique ? Ils sont fous ces Grecs ! Mes vrais ancêtres seraient plutôt les bancs coffres du Moyen Âge en bois sculpté. Ce n’est qu’au XIXe siècle que se codifient mon histoire et styles successifs. Je serai roman, Renaissance, Louis XV… Au XVIIIe siècle, ouf, un certain messire Antoine Furetière me définit clairement : « Une sorte de chaise à dos, fort large, où il peut s’asseoir deux personnes à la fois » 1. Styles ! Avec les rois, Louis XIII et les suivants, je vais connaitre en France bien des fastes : le plaisir du capitonnage, des matériaux et tissus précieux, je vais être travaillé par des artisans réputés. Je représente et supporte les séants du pouvoir ! À la Révolution, je serai détruit ou réemployé, puis je redeviendrai Empire, Restauration… Mes synonymes se diversifient : causeuse, divan, méridienne, sofas, tête-à-tête, indiscret, duchesse brisée, ottomane, canapé à joues, confident… De style, je le suis encore aujourd’hui, sous forme de témoin de mes différentes périodes, j’habite dans les châteaux, chez les antiquaires et surtout dans les musées, dont le MAD de Paris 2… Je suis aussi réinterprété ou souvent copié. Au XXe siècle, j’ai particulièrement aimé le style Art Nouveau qui m’a paré d’ornementations végétales. Puis l’Art Déco, le Bauhaus allemand m’ont fait devenir moderne. Avec le « Less is more », mes lignes claires, machiniques et en métal auraient pu m’envoyer à l’hôpital. J’étais vexé ! J’ai résisté en L2 et L3 de Le Corbusier, encore réinventé chez Cassina. Je suis Immortel. Pop. Puis tout a changé après la Seconde Guerre mondiale. L’American Way of Life gagne l’Europe à la fin des années 1950. L’irruption de la télévision dans les intérieurs exige que je devienne très confortable pour regarder ce petit écran, on s’affale sur mes ressorts. Je règne sur des tables basses, des poufs… En mousse recouvert de jersey, en cuir, je suis à l’aise sur des moquettes (que l’on fume souvent). Avec le « Design pour tous », je suis popularisé par la société de consommation ! Organique support de l’hédonisme 69, je deviens pop ! Le si inventif Pierre Paulin m’a vu en Déclive ! Les Italiens, d’Ettore Sottsass à Gaetano Pesce, m’ont fait flirter avec des supports ovnis et narratifs. Même si Jacques Tati m’a caricaturé dans son film Mon oncle, j’ai aimé à la folie cette période si dingue. Sculpture. Avec les années 1980, le postmodernisme m’a vénéré tel une œuvre artistique. Je suis devenu barbare avec Garouste et Bonetti, sculpture avec Martin Szekely. Le mouvement Memphis m’a même orné de stratifié plastique ! Et me voilà mis dans la niche élitiste de la pièce unique ! Cela se calme un

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